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Les Hymnes sont des Grecs invention première...
Ah, les Chrétiens devraient les Gentils imiter
A couvrir de beaux lys et de roses leurs têtes,
Et chômer tous les ans à certains jours de fêtes
La mémoire et les faits de nos saints immortels...


Il n’avait jamais été plus près de Pindare !

Cette étude de M. Laumonier sur l’évolution du lyrisme de Ronsard abonde en petites découvertes qui en fixent définitivement les grandes lignes. L’établissement minutieux de la chronologie réintroduit ainsi dans une œuvre la mobilité de la vie ; et la personne du poète, que notre esprit simplificateur tend toujours à immobiliser dans une attitude ou dans un geste, reprend sa souplesse. Ronsard était un de ceux qui avaient le plus souffert de cette simplification funeste. On ne lui conteste point aujourd’hui son titre de grand poète : c’est entendu ; mais pour combien d’entre nous, qui ne font qu’atténuer le jugement de Boileau, demeurait-il encore un sublime « brouillon, » ou, du moins, un artiste intraitable, retranché derrière une conception d’art étrangement abrupte, et dont les vers, qui flottent dans toutes les mémoires, n’ont été que les intermèdes où se délassait son génie et les aimables rencontres dont une justice immanente a payé son labeur ! On l’a vu : rien n’est plus faux. D’une nature enthousiaste et d’une fierté qui sent son gentilhomme et son homme de guerre, mais d’une intelligence très vive et très plastique, d’une sensibilité qui reflète toutes les nuances de l’heure et du milieu, et d’une raison ferme, il a su se plier aux circonstances, écouter les conseils et les critiques, corriger ses erreurs et, comme les plus grands poètes, sous des apparences quelquefois intransigeantes, sans perdre de vue son idéal, régler sa marche sur le goût du public.

Ronsard n’a en somme réagi contre son siècle qu’autant qu’une puissante originalité doit réagir pour s’imposer. On s’impose violemment à l’opinion ; mais il faut en craindre les retours ou, quand ils se produisent, avoir eu l’air de les attendre et se prêter à la vague qui vous portera plus loin. Il le fit et toujours au moment opportun. S’il hésita parfois, ses courtes hésitations venaient moins de son tempérament que de son caractère. Aucun poète n’a plus fréquemment ni plus hautement revendiqué son indépendance, la franchise de sa fantaisie, son droit d’employer le papier qu’il a acheté « comme un potier son