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s’étaient contentées de se mettre d’accord entre elles pour pratiquer ce qu’on a appelé « la grève des consommateurs » et ramener les prix à un taux inférieur, personne n’aurait trouvé à redire à leur attitude ; on l’aurait, au contraire, approuvée. Chacun a le droit de marchander l’objet qu’on lui offre et de ne pas l’acheter, s’il le juge trop cher : il est vrai que, dans le cas dont il s’agit, cette liberté est limitée par l’implacable besoin de manger pour vivre. Quoi qu’il en soit, la résistance de l’acheteur est légitime ; ce qui ne l’est pas de sa part, c’est la violence, la menace, les coups, la destruction des marchandises. Quant aux causes du renchérissement des objets de consommation, on n’a pas besoin d’aller la chercher dans l’accroissement de la production de l’or, qui a été extrêmement considérable depuis quelques années ; les économistes ne croient pas que, au moins maintenant, il y ait là une explication de la cherté des vivres, cherté dont l’augmentation, si elle se produisait là pour ce motif, devrait aussi se retrouver ailleurs et partout ; mais tout le monde sait que l’année agricole, après avoir bien commencé, continue mal et que la sécheresse anormale dont nous souffrons diminue notablement la production d’un grand nombre d’objets alimentaires, notamment du lait et de ses succédanés et de tous les légumes à peu près sans exception. La betterave est atteinte en France et en Allemagne ; le sucre à son tour augmente et augmentera ; toutes les ménagères pourraient se mettre en insurrection, elles ne changeraient pas une loi de la nature et n’en empêcheraient pas les effets. Ajoutons que la sécheresse n’a pas seulement atteint les foins, les légumes, etc. ; les animaux en souffrent eux aussi, et c’est à elle, du moins en partie, qu’il faut attribuer l’épidémie de fièvre aphteuse et de charbon qui s’est répandue dans le pays. On cherche des remèdes ; le gouvernement en a plusieurs fois délibéré ; il n’a pas jusqu’ici trouvé grand-chose. Il a imaginé de municipaliser certaines industries de production, non pas encore pour créer des monopoles, mais pour donner de bons exemples, influer sur le taux des prix, le régulariser. Nous sommes surpris qu’un gouvernement présidé par M. Caillaux, qui professe des principes économiques généralement sains, propose de recourir à de pareils expédiens, dont le moindre défaut serait d’ailleurs de n’avoir aucune application immédiate. Et pourquoi s’arrêter aux communes ? Pourquoi ne pas remonter jusqu’à l’État pour lui faire concurrencer les industries privées avec l’argent des contribuables ? Il est si bon producteur, si habile administrateur ! Il en a donné des preuves si éclatantes ! Tout cela est du désordre mental ajouté au