Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Il n’y a pas de rôle plus difficile à tenir aujourd’hui que celui de prophète : aussi nous abstiendrons-nous soigneusement de toute prétention à cet égard. Les conversations ont repris à Berlin. Nous constatons le fait : bien qu’il ne soit pas, à lui seul, de nature à nous rassurer pour un avenir indéterminé, il éloigne tout danger de complications immédiates. Les journaux répètent volontiers qu’il ne faut être ni trop optimiste, ni trop pessimiste : ce cliché très banal est sans doute l’expression de la vérité.

Pendant plusieurs jours, on a été trop optimiste. Sans qu’on sache d’où venait ce bon vent et pourquoi il soufflait, la presse française et la presse allemande ont répété à qui mieux mieux que les choses allaient bien et qu’on pouvait escompter une solution favorable et prochaine. En réalité, à ce même moment, les choses n’allaient ni bien ni mal ; elles n’allaient pas du tout ; elles étaient à l’état stagnant, puisque M. Jules Cambon attendait à Paris les instructions de son gouvernement et que M. de Kiderlen contemplait à Chamonix la Mer de glace. Mais on voulait croire que tout était en bonne voie d’arrangement. Dès le retour de M. de Kiderlen à Berlin, quelques nuages ont apparu à l’horizon ; le ton des journaux s’est brusquement modifié, et des notes aigres se sont fait entendre, sans qu’on pût davantage dire pourquoi. Les propositions françaises pouvaient sans doute être pressenties sur quelques points, mais comme elles n’étaient pas encore connues, il était trop tôt pour que leur effet, bon ou mauvais, s’exerçât sur les esprits. Ces impressions avant la lettre, incertaines, variables, montraient seulement que l’opinion était toute prête à s’énerver. Du côté français, on répétait volontiers que les propositions qu’on allait faire étaient un dernier mot, et que le gouvernement allemand aurait à y répondre par oui ou par non : la confiance était même si grande