Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bahlit où l’on supposait les Béni Mtirs solidement installés. Les pertes subies et les renseignemens recueillis dans ces deux démonstrations firent savoir que le rétablissement de l’autorité du Sultan ne s’accomplirait pas sans résistance. Mais, tandis que les rebelles s’organisaient en prévision des combats imminens, il manquait à l’action française, politique et militaire, l’unité de vues et de direction qui, seule, aurait permis de résoudre promptement le problème marocain. Ministres indigènes, consul de France, général en chef, instructeur suprême des méhallahs chérifiennes, n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur le but et sur les moyens. Pendant ce temps, l’exagération indigène transformait en échec le résultat de l’opération de police exécutée par le général Dalbiez. Nos troupes venaient de rentrer à Dar-Dbibagh sans avoir pu, disait-on, atteindre Meknès dont la résistance victorieuse des tribus leur avait interdit l’approche. L’orgueil et l’audace des Béni Mtirs s’exaltaient de ce triomphe fallacieux. A dix kilomètres à la ronde autour de Fez, ils incendiaient les moissons, pillaient les villages et les douars loyalistes que notre arrivée avait repeuplés. Chaque nuit, un cercle de flammes illuminait l’horizon, et les chiens à demi sauvages faisaient des ripailles bruyantes dans les cendres des maisons et des champs où pourrissaient des cadavres d’hommes et d’animaux. On pouvait supposer que les guerriers, enhardis par notre inaction, feraient contre nos bivouacs, dont ils ignoraient le système de protection, quelque tentative retentissante. Ils en eurent en effet la fantaisie, qui leur coûta cher.

Le départ des troupes pour la deuxième partie de la campagne était fixé au 5 juin, à trois heures et demie du matin. Couchés sous leurs petites tentes alignées à deux mètres des tranchées qui les entouraient, nos soldats ne s’attendaient pas au réveil que l’astuce des Béni Mtirs leur préparait. Les sentinelles écoutaient, à 50 mètres des tranchées, les bruits mystérieux de la nuit. Les officiers de quart se succédaient d’heure en heure, prêts, en cas d’alerte, à toutes les responsabilités. Le souvenir des attaques de Dar-ben-Arousi, d’El-Kounitra, de Lalla-Ito stimulait les vigilances et rendait très aléatoires les résultats de la surprise la mieux combinée.

Le général en chef, les commandans des colonnes, et les principaux dans leurs états-majors venaient de rentrer au camp, après avoir passé la soirée chez le Sultan. Sur la route