Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cristum canit arte fabrili, Hugo sui questu scripta laboris arans (1228). Véritable Angelico de l’orfèvrerie, Hugo demeura simple frère lai du couvent augustin d’Oignies-sur-Sambre qu’il avait fondé avec ses trois frères. Il y « chanta le Christ » avec une invention et une grâce adorablement poétiques, en combinant dans ses travaux les pierres précieuses, les nielles, les filigranes agrémentés de folioles, de grappes où passent des chasseurs, des biches, des chiens. Le frère Hugo est avant tout un décorateur ; préparé par les imagiers de France, il observe déjà la nature avec l’œil des miniaturistes qui vivront cent cinquante ans après lui, et ses « chasses » préludent à celles des Haincelin de Haguenau et des frères de Limbourg. L’orfèvrerie wallonne du XIIIe siècle connut cependant une gloire plus haute que celle du frère Hugo avec les « fiertés » de Nicolas de Verdun dont l’une est à N.-D. de Tournai (hélas ! très restaurée). Mais aucun travail de ce maître ne figure à l’exposition. La « salle Hugo » contient d’ailleurs maintes pièces renommées établissant les étapes de l’orfèvrerie mosane et hennuyère, et révélant l’action du frère d’Oignies sur les ciseleurs et estampeurs contemporains. Le style du moine Hugo se retrouve dans l’énorme et impressionnante Croix reliquaire envoyée par l’église de Walcourt. Œuvre pathétique et raffinée, l’une des plus extraordinaires broderies de métal que nous aient léguées la foi et l’art du moyen âge ! Quel maître en est l’auteur, si ce n’est le grand moine augustin lui-même ?

Nous n’en finirions pas si nous devions analyser la production des orfèvres wallons au XIIe siècle et au XIIIe, même en nous en tenant aux œuvres réunies à Charleroi. Les ateliers de ces aurifabri ont-ils favorisé l’épanouissement de l’art des Pays-Bas comme le firent les bottege de leurs confrères italiens pour le trecento florentin ? C’est bien possible et l’on souhaiterait qu’il fût répondu savamment à la question. Le XIVe siècle, où nous voici, constitue, on le sait, le premier chapitre de l’histoire de l’art flamand déjà rempli de noms et illustré de plus d’une œuvre immortelle. L’importance de l’orfèvrerie ne suffirait pas à expliquer cette floraison, si belle qu’on la voit tout de suite rivaliser d’éclat avec celle des villes italiennes. L’intelligence et l’esprit publics, la curiosité et l’énergie sociales, le développement et la force des cités, le goût raffiné des œuvres de luxe atteignent alors un égal degré chez les Flamands et les