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daise (pour notre art du XIVe au XVIe siècle). Elle est scientifique, car les Pays-Bas dès le XIVe siècle portent le nom de Nederlanden ; elle est équitable aussi, la peinture hollandaise primitive étant comprise dans l’école flamande, et cette épithète néerlandaise impliquant une reconnaissance des droits bataves. Mais les traditions du langage ont une logique mystérieuse, et je serais surpris qu’elles s’accommodassent de cette création d’érudits. À proprement parler, le Flamand est originaire du comté de Flandre. L’art flamand ne serait donc que l’art d’une petite région des Pays-Bas, et pourtant si nous parlons de la peinture flamande, au XVe siècle et au XVIe, il n’est personne qui n’entende fort bien qu’il s’agit de la grande école où se confondent Brabançons de Bruxelles et d’Anvers, Hennuyers de Valenciennes et de Mons, Liégeois de Maésyk, et de Dinant, Flamands de Gand et de Bruges, Tournaisiens et Hollandais. Qu’ils fussent d’origine germanique ou romane, les maîtres des Pays-Bas s’appelaient fiamminghi en Italie, flamencos en Espagne. Parfois les sbires romains, en dressant procès-verbal à nos bruyans compatriotes, distinguaient les wallons en les qualifiant dans leurs registres de police de fiamminghi vallone ! En somme, l’étranger ignorait l’école néerlandaise, l’école belge, l’école mosane, l’école wallonne ; il connaissait l’école flamande, très glorieuse et homogène entre toutes. Je ne crois pas que Jean Gossart de Maubeuge, voyageant en Italie à la suite du bâtard de Bourgogne et visitant des ateliers de Rome avec son ami Jacopo dei Barbari, ait songé à revendiquer sa qualité de pittore vallone !

On sait que bien avant le XVe siècle, les Pays-Bas se signalent par leur activité artistique. L’éveil des milieux wallons semble précéder celui des centres flamands sur cette terre d’art. Sans remonter à la civilisation carolingienne, si florissante dans les régions mosanes, sans insister sur le trésor de Lobbes (Xe et XIe siècles), entièrement disparu (du moins l’église abbatiale du XIIe siècle subsiste-t-elle, Montsalvat surprenant, austère joyau des collines qui couronnent la Sambre), sans énumérer les nombreuses églises romanes de la Wallonie, si gracieuses et si sobres, rappelons, pour marquer le goût éminent des Liégeois au XIIe siècle, que leur église Saint-Barthélémy conserve de ce