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vens à nommer des abbés bilingues[1]. » Froissart, compatriote de l’imagier André Beauneveu, connaissait le flamand. Il n’y avait pas opposition entre les deux grandes fractions linguistiques, mais presque toujours coopération fraternelle. La Flandre, relevant de la couronne, se pénétra profondément de civilisation française du XIIe siècle au XIVe ; pendant longtemps d’ailleurs, le grand fief « renferma autant d’habitans de race romane que de race teutonique[2] » et le nom de Flamand s’appliquait aux wallons d’Arras comme aux thiois de Gand, de Bruges, d’Ypres. Tout en se maintenant comme une sorte de « république municipale » entre la Flandre et le Hainaut, Tournai avait plus de rapports avec les villes flamandes ressortissant à son siège épiscopal, qu’avec les autres villes wallonnes. Liège, la grande cité lotharingienne, aujourd’hui capitale de la Belgique romane, comptait de nombreux habitans de langue flamande. En dépit de la dualité des races, l’unité latente des Pays-Bas méridionaux ne cessa de s’affirmer et quand Philippe le Bon soumit à son pouvoir la presque totalité des régions flamandes et wallonnes, l’œuvre de fusion était accomplie, grâce à l’analogie des institutions politiques, religieuses, juridiques, grâce à l’identité des intérêts économiques et des aspirations morales. Par son essor industriel, sa richesse, ses multiples relations étrangères, la Flandre médiévale assura son hégémonie sur le reste du pays. Est-il étonnant que l’incomparable production artistique des Pays-Bas, au XVe siècle, soit considérée, — malgré l’inexactitude partielle de cette notion, — comme étant avant tout l’expression de la plus haute vie morale et du génie flamands ?

Peintres flamands et wallons du XVe siècle au XVIIe, ne formèrent qu’une seule famille, qu’une seule école connue depuis toujours sous le nom d’école flamande. On aurait tort, je pense, d’abandonner cette désignation commode et consacrée. Il est insolite en somme de parler de peinture wallonne quand il s’agit d’œuvres antérieures au XVIIIe siècle. De même l’expression art belge, parfois employée, a quelque chose de factice, appliquée aux « maîtres d’autrefois. » Et pourtant la Belgique était virtuellement constituée sous Philippe le Bon. Une autre formule a été adoptée par de récens catalogues : école néerlan-

  1. Pirenne, Histoire de Belgique.
  2. Pirenne, ouv. cité.