ans mûrs sept lustres épuisés, « mais le calcul qui précède est exact et il faut croire que, par ses ans mûrs. Mlle de Gournay entend sa quinzième ou seizième année, ce qui du reste est un sens beaucoup plus juste que celui que nous donnons d’ordinaire à ce mot, car enfin on est mur quand on est digne d’être cueilli, et non pas quand on tombe. Donc, portrait de Mlle de Gournay à cinquante ans :
Elle s’avoue irascible et rancunière :
...... Je suis d’humeur bouillante,
J’oublie à peine extrême une injure preignante,
le suis impatiente et sujette à courroux ;
sans toutefois marquer toujours cela au dehors ; mais de s’empêcher de le sentir cruellement au dedans « cela lui est impossible. » Elle est ferme et tenace dans la dispute.
Parfois en conférant il advint que j’embrasse
La raison et ses droits d’une humeur trop tenace.
Elle reconnaît qu’elle n’est pas suffisamment pieuse :
Qu’à servir le grand Dieu mon esprit est trop froid.
Qu’encore elle a quelque estime d’elle-même.
Pour m’estimer un peu je ne mérite blâme ;
qu’elle est peu économe :
Je ne m’accuse pas du défaut de ménage.
De ce reproche en vain le vulgaire m’outrage
Pour me voir sans moyens, sans ménage on me croit.
J’en aurais à plein fond quand mon bien le vaudroit.
[c’est-à-dire si mon bien valait la peine qu’on le ménageât].
À côté de ses défauts elle range ses qualités. Elle a le culte de la justice et de l’honneur, l’honneur et le caractère égal, sauf dans les assauts de l’adversité ; une indépendance d’esprit qui fait qu’elle « ne juge de rien par coutume vulgaire ; » elle n’est ni pédante, ni charlatan ; elle « ne croit pas de léger ; » mais elle est véritable et de bonne foi ; elle meut très rarement et, quand elle le fait,
C’est sur le coup précis d’une importante affaire.
Elle est amie très sûre [et Montaigne a donc eu raison, d’après elle, de dire qu’elle était » capable de cette très sainte amitié où