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l’humiliation de la Chambre des Lords fût poussée jusqu’au bout. Sur ce point donc la crise est finie, mais elle recommencera bientôt sur un autre. Si les Irlandais ont exigé que le parliament bill passât tel quel, c’est afin d’obtenir le vote du Home rule. L’opposition des Lords ne pourra plus, désormais arrêter la réforme que pour un temps, mais la bataille sera chaude et le pays soumis à de nouvelles agitations.

Ces agitations, purement politiques, ne sont pas les plus redoutables de toutes : l’Angleterre vient d’en traverser d’autres dont nous ne pouvons dire aujourd’hui qu’un mot, alors qu’elles mériteraient une longue étude, mais sur lesquelles nous craignons fort d’avoir à revenir bientôt. Des grèves se sont produites, d’abord à Liverpool, puis àLondre s’et sur d’autres points du territoire, qui ont pris tout de suite le caractère d’un danger public et d’un danger très grave. La première a été celle des dockers ; elle a été courte parce qu’on s’est empressé de donner satisfaction aux grévistes ; mais la seconde, qui a éclaté presque au moment où la première cessait, a eu plus d’importance, car elle englobait toute l’industrie des transports, y compris les chemins de fer. Cette grève générale des chemins de fer, dont nous avons été menacés plusieurs fois en France mais qui ne s’y est jamais réalisée, a été plus menaçante en Angleterre et, là comme chez nous, le gouvernement a pris des mesures immédiates en vue d’assurer le fonctionnement des services indispensables à la vie publique. On le lui a reproché à Londres, comme on l’avait fait à Paris ; il s’est défendu par les mêmes argumens que le nôtre et avec plus d’énergie encore. M. Winston Churchill n’a pas pu dire, comme M. Briand chez nous, qu’il n’avait pas sur les mains une goutte de sang, car le sang avait coulé, mais il a assuré, et suivant toutes les vraisemblances avec raison, que ce malheur en avait épargné au pays un plus grand. La Chambre des Communes l’a approuvé à une forte majorité. Toutefois, et bien que le mouvement gréviste ait été plus étendu en Angleterre qu’en France, il s’en faut de beaucoup qu’il y ait été général. Un tiers seulement des cheminots se sont mis en grève et le service des transports, quoique ralenti, n’a pas été suspendu : le gouvernement avait d’ailleurs pris ses dispositions pour en assurer le fonctionnement si la grève s’était développée, ou si elle avait duré davantage.

Le point le plus curieux dans cette grève, est que le motif qui la provoquée ne tenait nullement à la situation matérielle des ouvriers ; ils ne demandaient ni une augmentation de salaires, ni une diminution des heures de travail, mais seulement que leurs