Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épitaphes versifiées que nous ont conservées des inscriptions latines. Et, comme celles-ci sont extraites d’un recueil érudit publié par lui-même et par quelques-uns de ses élèves, comme Properce a été le sujet de sa thèse de doctorat, nous prenons ici sur le vif son intention de faire marcher d’un même pas les deux travaux auxquels il a voué sa vie, afin que sa Muse française puisse bénéficier de ses recherches sur la Muse romaine.

Quelquefois, s’accordant un peu plus de liberté, il s’arrête pour considérer, non plus la lettre du texte des poètes anciens, mais l’esprit qui se dégage de leurs ouvrages : la traduction fait place à l’évocation. Il essaie de faire revivre quelques scènes, quelques épisodes de l’histoire romaine, la vieillesse attristée d’Orbilius, le maître d’Horace, ou la rude et belle mort de l’empereur Septime-Sévère dans Eboracum. Ce dernier tableau, notamment, est d’une touche énergique et puissamment vraie : en retraçant la vie de ce dur batailleur, vainqueur de tant de rivaux, défenseur acharné des frontières de l’empire, terrassé à la fin par la vieillesse et assombri par la prévision des crimes que commettra son fils, M. Plessis réussit à représenter en lui, non seulement ce qu’il a réellement été, mais tout un aspect de l’histoire romaine, cet âpre effort du monde romain que toutes les menaces attaquent, qui résiste et ne veut pas périr, et périt pourtant, moins par les chocs du dehors que par les vices intérieurs. L’Antoine de Heredia synthétisait la force romaine paralysée par la mollesse asiatique : le Septime-Sévère de M. Plessis incarne la lente, laborieuse et stoïque agonie de l’empire romain. Et voici, avec plus de généralisation encore, dans Itala tellus, une sorte de résumé du rôle joué dans le monde par le peuple roi : avec beaucoup d’éloquence, — avec beaucoup de justesse aussi, croyons-nous, — comme s’il voulait s’élever contre le préjugé qui a si souvent fait prendre les Romains pour des Barbares à peine dégrossis, M. Plessis les loue d’avoir aimé d’un amour égal la puissance matérielle et celle de l’intelligence. Il salue en Rome la « mère des poètes » autant que la « mère des généraux. »


C’est toi qui nous menas aux bords de la lumière,
Car tu vivifiais la force par l’esprit.
Tu sauvas l’Occident de sa torpeur première :
Ce qu’il connut de bien, c’est de toi qu’il l’apprit.