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chancelier de l’Empire et au ministre des Affaires étrangères paraît avoir exercé une influence heureuse sur la marche des négociations : non pas que l’Empereur ait été en désaccord avec ses ministres, on a affirmé qu’il ne l’était pas et il n’y a aucune raison de croire le contraire ; il est bien sûr que la Panther n’a pas été envoyée à Agadir sans son adhésion formelle ; mais, en toutes choses, il y a la manière, et celle qui a suivi le retour de l’Empereur a paru plus conciliante que celle qui l’avait précédé. Que l’on s’achemine vers une entente finale, la fureur des pangermanistes donne à l’espérer : ils ne ménagent même pas dans les journaux la personne de Guillaume II. Ces querelles nous laissent spectateurs indifférens : nous n’avons affaire qu’au gouvernement. Autant qu’on en puisse juger par la lecture attentive des journaux, les négociations portent aujourd’hui sur l’Hinterland du Congo français : on discute entre l’Oubangui et la Shanga ; les Allemands ont renoncé à émettre des prétentions sur le rivage de l’Océan, ou ils les ont réduites à peu de chose ; ils se tournent plutôt du côté du grand fleuve. Sur tous ces points, l’accord sera laborieux et lent ; il reste difficile, mais il n’est pas irréalisable : nous attendons qu’il soit réalisé et devenu public pour pouvoir l’apprécier. Alors le gros nuage qui a pesé sur nous pendant quelques jours sera dissipé, mais nous n’oserions pas dire qu’il ne se reformera plus. L’Allemagne aura beaucoup à faire pour effacer les impressions que ces dernières affaires ont produites, et qui l’ont présentée au monde comme une puissance avec laquelle on est obligé d’être toujours sur le qui-vive. L’art patient qu’elle avait déployé pour amener des rapprochemens entre elle et l’Angleterre, la Russie et nous-mêmes, donne cependant à croire que tel n’est pas le but qu’elle-s’était proposé.

Il nous resterait à parler de l’Espagne : la place nous manque pour le faire d’une manière aussi complète que nous le voudrions. Les derniers incidens n’ont d’ailleurs pas modifié notre opinion que l’Espagne doit être notre amie au Maroc, et que l’œuvre que nous y accomplissons, elle et nous, doit être une œuvre commune. Il n’y aurait rien de pire pour elle, pour nous, pour le Maroc, pour la civilisation, qu’un dissentiment durable entre les deux pays. Il est heureux qu’on le comprenne également bien à Madrid et à Paris et qu’on s’y applique à dissiper des malentendus créés par des agens qui ne sont peut-être pas assez intelligens et qui sont certainement trop zélés : c’est ici que le fameux mot de Talleyrand trouverait toute son application. Soyons justes pourtant : la situation est délicate et les agens