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déclarations du premier ministre et de M. Balfour : j’espère qu’aucune nation européenne ne voudra croire un seul instant que nos divisions intestines soient susceptibles d’affaiblir l’esprit britannique ou notre unité nationale. » De pareilles paroles venant du chef, du gouvernement, du chef de l’opposition, du chef du parti ouvrier honorent une assemblée et une nation. La force de l’Angleterre est dans sa flotte sans doute, mais elle est aussi dans l’unité morale dont elle vient de donner une nouvelle preuve. Il y a là un grand exemple que nous devons tous méditer, que nous devrions tous imiter.

Pour en revenir au discours de M. Asquith, il définit d’une manière très nette l’attitude que l’Angleterre a adoptée dans cette crise. La thèse du gouvernement anglais a d’ailleurs toujours été la nôtre : il est très désirable que la France et l’Allemagne arrivent à se mettre d’accord ; si elles le font, l’Angleterre aura avoir si ses intérêts ne sont pas atteints par les termes de cet accord, réserve de pure forme d’ailleurs puisque l’Angleterre est tenue au courant des négociations et que nous ne conclurons pas sans elle ; mais si l’accord ne se fait pas, toutes les puissances, — elles sont au nombre de 13, — qui ont signé l’Acte d’Algésiras auront le même droit à prendre part à la négociation qui sera devenue nécessaire : en parlant pour elle, l’Angleterre a parlé pour toutes les autres. Alors, une conférence nouvelle s’imposera. Nous ne la souhaitons pas, mais nous ne la redoutons pas. Nous ne la souhaitons pas, parce qu’elle serait la manifestation, entre la France et l’Allemagne, d’un dissentiment irréductible par leurs seuls moyens ; nous ne la redoutons pas, parce que la première nous ayant été favorable, il n’y a aucune raison pour qu’une seconde ne le soit pas. Nous nous y présenterions avec de bons amis et de bons argumens. Mais M. Asquith est d’avis que l’entente est possible, et il a raison de le croire, si l’Allemagne enferme ses prétentions dans des limites raisonnables. Nous avons déjà dit que, ne nous donnant rien que son abstention, elle ne peut pas nous demander grand’chose : cependant nous sommes disposés à traiter largement avec elle pourvu qu’elle nous garantisse vraiment une abstention durable au Maroc. En sommes-nous là ? Nous nous y acheminons sans doute. Bien que les conversations de Berlin restent enveloppées de mystère, on sait, on croit savoir que l’Allemagne a sensiblement réduit ses prétentions : on peut même considérer, le fait comme certain, car s’il ne l’était pas, il ne serait déjà plus question d’entente possible, mais de rupture et de conférence. Le retour de l’Empereur de sa croisière du Nord, suivi de l’audience qu’il a accordée à Swinemunde au