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que la paix soit le souverain bien et qu’elle doive être conservée à tout prix.

Ce n’est pourtant, pas, on peut le croire, le langage de la presse anglaise qui a produit le plus d’effet en Allemagne, mais bien celui du gouvernement, car il avait une tout autre autorité. Une première fois, à une question qui lui avait été posée à la Chambre des communes à l’occasion de l’envoi de la Panther à Agadir,. M. Asquith a répondu avec brièveté et gravité qu’il désirait « qu’il fût clairement compris, qu’aux yeux du gouvernement britannique une situation nouvelle avait surgi au Maroc et qu’il était possible que ses conséquences futures affectassent les intérêts britanniques plus directement qu’ils n’avaient été affectés jusque-là. » Pour le moment, une conversation avait été engagée entre le gouvernement allemand et le gouvernement français : il fallait en attendre les résultats. Ce langage a été compris à Berlin. L’Allemagne a senti que d’autres intérêts que les intérêts français étaient en cause et que si l’accord ne se produisait pas, la France ne serait pas isolée. On pouvait s’en tenir là ; dès son premier discours, M. Asquith avait dit très clairement tout ce qu’il était indispensable de dire. Mais, à mesure que les jours s’écoulaient sans amener de solution, au milieu des bruits contradictoires que la presse allemande lançait dans le monde, l’opinion britannique s’énervait davantage, et le gouvernement éprouvait lei besoin de lui donner de nouvelles satisfactions. C’est alors que M. Lloyd George a pris la parole dans un banquet. M. Lloyd George est le membre le plus radical d’un ministère radical ; il est connu pour être, non seulement un fervent ami de la paix, mais un pacifiste de doctrine ; il a fait, il y a peu de temps encore, auprès du gouvernement allemand, des démarches, qui ont d’ailleurs été malt accueillies, en vue d’une limitation commune à apporter aux armemens militaires ; il est de ceux qui trouvent que les dépenses faites pour la guerre sont les moins rémunératrices de toutes, et que l’argent qu’on emploie en fusils, en canons, en navires, serait beaucoup mieux utilisé dans des réformes sociales. Son discours, qui n’a pas manqué de panache, empruntait donc à sa personne même une signification plus grande : aussi le retentissement s’en est-il étendu dans le monde entier. « Si nous nous trouvions acculés, a-t-il dit, à une situation dans laquelle la paix ne pourrait être maintenue qu’en sacrifiant la grande, la bienveillante situation que la Grande-Bretagne s’est acquise par des siècles d’héroïsme et d’efforts, en permettant que la Grande-Bretagne, soit traitée, quand ses intérêts vitaux