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de tomber sur toute l’œuvre artistique de Vasari. Mais pareillement, d’autre part, il était impossible que la postérité, de siècle en siècle, ne rendit pas un hommage plus fervent à l’admirable génie d’écrivain qui, chez lui, se cachait sous la médiocrité pitoyable du peintre et de l’architecte. Infatigablement réimprimées, commentées, et discutées depuis trois cents ans, les Vies du biographe arétin sont aujourd’hui plus fraîches, plus attrayantes, plus belles que jamais. Après la savante et consciencieuse édition critique italienne que nous en a offerte, naguère, l’érudit florentin Milanesi, voici que d’Allemagne et d’Angleterre nous arrive simultanément la promesse d’éditions nouvelles, et dont l’une tout au moins, l’édition allemande de M. Karl Frey. — à en juger par le premier volume, — s’annonce comme un vrai monument de science historique. Avant comme après Vasari, d’autres ouvrages analogues ont paru, consacrés à l’histoire des artistes de tous les pays, ou simplement à celle de maîtres locaux de telle ou telle région. Il y a eu, par exemple, le livre jadis célèbre de Lanzi, où le développement de l’art italien était étudié avec une compétence et une exactitude pratique infiniment supérieures à celles que nous font voir les Vies de Vasari. Mais ni ce livre-là, ni ceux de Ridolfi. et de Maffei, et de Van Mander, personne ne s’avise plus de nous les restituer : tandis qu’il ne s’est point passé trente ans, depuis trois siècles et demi, sans que l’on ait vu surgir, un peu partout, une réédition ou une traduction du vieil ouvrage entrepris, un certain soir d’été, sur le conseil de « monseigneur Giovio » et du cardinal Farnèse, par un petit peintre toscan à la barbe blonde, qui « toujours dès sa jeunesse, en manière de passe-temps, s’était plu à recueillir des souvenirs et écrits sur les hommes illustres dans l’art du dessin. » Et puisque le quatrième centenaire de la naissance de Vasari invite naturellement tous les lecteurs et admirateurs de celui-ci à honorer d’un tribut supplémentaire d’attention sa personne et son œuvre, n’est-ce pas le moment d’essayer, tout au moins, une rapide enquête sur les causes véritables de cette étrange fortune littéraire qui lui est échue ?


Fortune d’autant plus étrange, en vérité, qu’elle s’adresse à un historien dont le livre est presque entièrement dépourvu de toute valeur historique. J’ai eu moi-même l’occasion d’examiner d’assez près un certain nombre des Vies de Vasari, et précisément de celles où, ayant à nous parler d’artistes florentins de la génération qui avait précédé la sienne, il semblait, en état de nous renseigner avec le