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mélancolie. Puis encore, Hippolyte, Émile Taigny, Balard, Bardou dont les naïvetés et les truculences faisaient la joie de tous ; il avait surtout au début un formidable accent ; certain soir, il entre au foyer du Vaudeville, et, se frottant les mains : « Je suis satisfaite, je viensse de rencontrera Ancelote, qui m’a fait complimente, en disant que je perdais mon assent. »

Du côté des femmes, Suzanne Brohan, Anaïs Fargueil, Louise Mayer, Hortense Balthazar, Louise Figeac, Eugénie Plunekett qui épousa Doche et créa la Dame aux Camélias. La blonde Louise Mayer était, paraît-il, la femme la plus fêtée, en vers, par les rhétoriciens des lycées de Paris ; la brune Fargueil était chère aux amateurs de comédie de paravent et de petite musique. « Étienne Arago s’arrangeait le plus possible, remarque Ph. Audebrand, pour leur donner des rôles dans la même pièce, ce qui faisait dire à mon ami le poète Berthaud « Il trouve le moyen de faire jouer ensemble le Jour et la Nuit. » Assurément on les fêtait toutes les deux d’une manier égale, mais il est juste de dire qu’autour de Mlle Fargueil s’était formée une espèce de cour. Cinq ou six auteurs dramatiques, autant de journalistes, de ceux qui papillonnent partout, voilà de quoi se composait ce cercle. Lorsque la jeune actrice descendait de sa loge, que ce fût en costume à effet ou en habit de ville, elle prenait place au fond du foyer, sur une banquette de velours, et l’on savait d’avance qu’elle s’assiérait là. Tout aussitôt ses hommes-liges arrivaient comme par enchantement, les uns avec des bouquets, les autres avec de petits sacs de bonbons. Comme cette Catherine II de petit format était aussi spirituelle que jolie, l’empressement était cent fois justifié. J’ai entendu alors voltiger ce mot du père Dumersan, un vieil auteur, qui doit naturellement trouver place ici : « Anaïs ? Eh ! c’est Sophie Arnould honnête femme. »

Parmi les écrivains habitués de ce foyer, je retrouve Altaroche, rédacteur en chef du Charivari, Marie Aycard, Gavarni Eugène Briffault, Duvert et Lauzanne, le comte Albert de Calvimont, légitimiste à tous crins, qui, après avoir violemment attaqué le gouvernement de Juillet pendant quinze ans, se rallia publiquement, fut nommé par Louis-Philippe sous-préfet de Nontron, devint préfet et conseiller d’État du second Empire ; Berthaud déjà nommé. Celui-ci, après avoir été presque célèbre comme poète satirique à Lyon, mourait de faim, ou peu s’en