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jeunesse restaient gravés dans sa mémoire, ceux surtout qui avaient trait à ses pièces. « Le père Dupin n’a que des souvenirs de théâtre : 1815 n’est pas pour lui l’année de la restauration des Bourbons, c’est l’année de la première représentation le l’Écharpe blanche ou le Retour à Paris, une pièce de lui. 1830 n’est pas l’année de l’avènement du roi Louis-Philippe, c’est l’année de la première représentation de M. de la Jobardière ou la Révolution impromptue, une autre pièce de lui. Chacune de nos crises politiques a été pour le père Dupin l’occasion d’un vaudeville de circonstance avec couplets, rondeaux et pots-pourris. Il ne sait de l’histoire que ce qu’il a pu mettre en chansons… » Le père Dupin ne tarissait pas sur Désaugiers et Scribe : « Ah ! Désaugiers ! Quel homme ! Quel chansonnier !… Le Panorama de Momus ! Toute la troupe (des Variétés) jouait dans cette pièce. Et quelle troupe ! Cazot, Joly, Brunet et Mme Cuizot, et Mme Mengozzi… Et Scribe ! S’il y avait un Scribe aujourd’hui, le théâtre ne serait pas où il en est. Il n’avait qu’un défaut : il aimait la campagne ! Il avait acheté un château, il avait des fermes, des poules, des vaches… Et il m’emmenait quelquefois, de force, chez lui, à Séricourt… Au bout de vingt-quatre heures, je me sauvais. Je n’ai jamais pu vivre que sur le boulevard, entre les Variétés et le théâtre Feydeau… Et je disais à Scribe : « C’est mal à vous d’aimer la campagne… Un auteur dramatique n’a pas le droit d’aimer la campagne. Voyez Auber, il n’a jamais voulu sortir de Paris. » L. Halévy rencontre un jour, place Clichy, Dupin qui lui dit : « C’est ici que j’ai tué mon premier lièvre. — Ici, votre premier lièvre ? — Oui ; j’avais dix-huit ans ; on ouvrait ici la chasse sous l’Empire (en 1805). » — Le père Dupin, qui fît jouer environ cinquante vaudevilles aux Variétés, était naturellement fort bien accueilli au foyer : un soir cependant, comme il se répandait en propos réactionnaires, Baron l’interpella brutalement : « Toi, tu sais, nous t’avons oublié en 1793, mais la prochaine fois nous ne te manquerons pas ! »


La Montansier, qui fonda le théâtre du Palais-Royal, eut comme on sait, pendant les premières années de la Révolution, un salon assez brillant où fréquentaient députés, auteurs, comédiens. La République une fois proclamée, le théâtre de Montansier prend le nom de Théâtre de la Montagne, le salon est