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chante à l’Opéra, et qui se croit à l’Opéra quand il danse à la Sorbonne. J’allais oublier M. Gonzalès et son Gentilhomme. Et ce nouveau venu, M. Albéric Second, poète aujourd’hui, romancier demain, que son père a dépêché pour l’Ecole de Droit, et qui croit fermement que l’école de l’Opéra le fera un jour premier président… »

Dans ces temps, déjà anciens, le marquis de Barbentane, le commandeur de Férettes, réalisent le type de l’abonné idéal. Le marquis avait tapissé de portraits des plus jolies actrices et danseuses le salon de sa loge, il y recevait nombreuse et brillante compagnie, logeait près de son théâtre favori, tandis que sa femme et ses enfans demeuraient ailleurs. Qu’on juge de sa popularité auprès du corps de ballet d’après ce simple trait : un jour, chacune de ces dames reçut un élégant cachemire renfermé dans un riche coffret. Quant au commandeur de Férettes, très riche, membre du corps diplomatique en qualité de chargé d’affaires de l’ordre de Malte et du grand-duc de Bade, il était, à juste titre, réputé l’homme le mieux au fait des choses opéradiques.

À côté d’eux, après eux, d’autres, abonnés ou non, firent grande figure d’élégans, de causeurs, au foyer de la danse. Parmi ceux que je n’ai pas encore cités, voici : lord Hertford, Tuliakin, Jules Janin, Théophile Gautier, Méry, Roger de Beauvoir, Rolle, Altaroche, Bazancourt, les Rothschild. Adam, Léon Gozlan, Dreux-Brézé, Lautour-Mézeray, Berlioz, Gavarni, Chaix d’Est-Ange, d’Alton-Shée, Escudier, Isabey, Eugène Lamy, les Batta, Charles Bocher. Ce dernier aurait pu célébrer ses noces de diamant avec l’Opéra dont il fut un des fidèles pendant plus de soixante ans. Et pour les habitués du second Empire : Demidoff, Modène, Delamarre, Tolstoï, Paskiewitch, Massa, Gramont-Caderousse, Saint-Priest, Blount, Gaux, les Montreuil, Duperré, Fitz-James, les Poniatowski, Davillier, Toulongeon, Persigny, Fleury, maréchal Bosquet, Arese, Mérimée, Lepic, La Redorte, La Bourdonnaye, Bernis, Narischkine, Gouy, Hamilton, Saint-Vallier, A. de Vogüé, Scépeaux, Delahante, Magnan, les Fould, etc.

Cherubini, Méhul, Bouilly, furent les premiers parrains d’Auber ; grâce à eux, on joua sa première pièce, le Séjour militaire, qui ne valait pas grand’chose ; Bouilly écrit à ce propos : « Ils déclarèrent que la partition du Séjour militaire n’était