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Les braves serviteurs qui restent pour garder
La maison vide,
À l’heure des adieux viennent nous regarder
D’un œil humide ;

Et, jusqu’au gros chat noir qui dédaigne les rats
En pur artiste,
Oui ! tout, quand nous partons ainsi que des ingrats,
Prend un air triste.

Abrégeons ces adieux ! Pour la dernière fois
 — La bien dernière ! —
Pressons ces rudes doigts qui retiennent nos doigts
À leur manière…

Partons d’un coup ! Quittons vite ces lieux chéris,
Ce coin tranquille…
Partons ! pour retrouver demain le grand Paris,
L’ardente ville…

Mais fidèles, nos cœurs gardent la vision
Douce et profonde,
De ce long mur de lierre où s’accroche un rayon
De clarté blonde ;

De ce salon où le soleil de février
Timide, pose
Sur la cendre brûlante encore du foyer
Sa clarté rose ;

De ce bout de charmille où je vins si souvent
Rêver mon rêve ;
De ces bambous légers agitant dans le vent
Leur forme brève ;

De tout ce vieux Logis où sous le grand ciel bleu
Que nul n’oublie,
Comme laine aux buissons reste et palpite un peu
De notre vie !


En Provence (octobre 1910-février 1911.)


JACQUES NORMAND.