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O Dieu ! que du plus lointain de mon âge
J’honore et je prie, et que je voudrais
Prier plus souvent, aimer davantage
D’un amour qui ne faiblirait jamais ;

O mon Dieu ! dans votre bonté suprême
Faites que je puisse encor bien des fois
Retrouver ainsi ce logis que j’aime,
Entendre au retour cette chère voix !…

Sur cette maison calme et solitaire
Qui m’attend là-bas au bout du chemin,
Sur ce coin perdu de la vaste terre,
O Seigneur ! daignez étendre la main !

Mais que ma prière ardente et modeste
N’aille pas à vous pour nous seulement ;
Elargissez-le, ce sublime geste,
Emplissez de lui tout le firmament ;

Et, tel le semeur qui jette sans trêve
Jusqu’au bout du champ le grain pailleté,
Semez l’espérance et semez le rêve
Dans les noirs sillons de l’Humanité !


LETTRE À UN AMI


O cher et vieil ami, — le plus vieux, le plus cher
De tous ceux que j’aimai depuis mon printemps clair
Jusqu’à mon pâlissant automne,
Toi dont l’affection que rien ne peut ternir
Se mêle dans mon cœur au moindre souvenir
Que mon passé lointain me donne ;

Par cet après-midi tendre de février
Je veux, dans les flancs noirs de mon bon encrier
Qu’un indiscret soleil caresse,
Tremper ma plume, ainsi que fait l’ami Pierrot,
Et griffonner ces vers qui s’en iront tantôt
Bien loin, bien vite, à ton adresse.