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Certes, on a le droit de trouver tout cela un peu métaphorique, un peu vague et un peu obscur ; on ne saurait douter toutefois de la haute estime que François Bacon professe pour les arts mécaniques, « lesquels, comme s’ils étaient pénétrés d’un certain esprit vivifiant, croissent et se perfectionnent de jour en jour ; assez grossiers et presque onéreux, presque informes dans les premiers inventeurs, puis enrichis par degrés de nouveaux moyens et de nouvelles facilités, et cela au point qu’on voit les désirs même languir ou changer d’objet plus promptement que ces arts n’arrivent à leur perfection ou à leur plus haut période[1]. »

Cette progressivité, cette perfectibilité des arts mécaniques fait que, les rapportant à l’institution de la philosophie, et les jugeant de ce point de vue : « La philosophie, au contraire, et les sciences intellectuelles sont encensées et adorées, mais demeurent immobiles, » Bacon ne craint pas de les lui proposer pour objet : « La fin de la science que nous proposons n’est pas d’inventer des argumens, mais des arts ; non des choses conformes aux principes, mais les principes mêmes ; non des probabilités, mais des indications de procédés[2]. » Ainsi les arts mécaniques prennent à ses yeux la plus éminente valeur ; néanmoins, répétons-le, il ne la leur reconnaît telle que d’un point de vue tout spécial, par rapport à la philosophie, comme matière de philosophie ; il les honore pour elle beaucoup plus que pour eux-mêmes[3] ; et c’est ce qui laissera réhabilitation incomplète, quoique ce soit ce qui la commence. C’est pourquoi aussi, bien que François Bacon soit l’ancêtre direct des encyclopédistes, la réhabilitation des arts mécaniques n’eût été cependant qu’indirecte jusqu’à ce que les encyclopédistes soient venus, s’il n’y avait eu les économistes.

  1. Ibid., Préface ou Introduction à la Grande Restauration des sciences, p. 6.
  2. Ibid., Distribution de l’ouvrage, p. 17.
  3. « Parum enim nohis curæ est de artibus ipsis mechanicis, sed tantum de iis quæ afferunt ad instruendam Philosophiam. » Catalogus historiarum particulanum secundum capita, in-fo, apud Joannem Billium, 1620. Cf. Parasceve ad historiam naturalem : « Quamobrem toto (quod aïunt) cœlo erraverit, si artium expérimenta colliguntur, hujus rei solùm gratia, ut hoc modo artes singulæ perficiantur. Licet enim et hoc non prorsùs contemnamus in multis, tamen ea planè est mens nostra, ut omnium experimentorum mechanicorum rivuli in Philosophiæ pelagus undequâque fluant. »