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qu’il est « des qualitez qui sont intérieures dans l’esprit et dans le cœur, et qui (puisque tout est distinction) distinguent les personnes selon qu’elles ont plus ou moins d’intelligence et plus ou moins de courage et de vertu ou de probité, » s’il en est aussi d’extérieures « et qui ne résident ni dans l’esprit ni dans le cœur, comme l’âge, la naissance, le nombre d’enfans et autres semblables. » Domat a de trop près approché Pascal pour ne pas savoir ou pour pouvoir oublier qu’il y a dans le monde, à côté des « grandeurs d’établissement, » des « grandeurs naturelles. » Il est le premier à les reconnaître, et à leur rendre les « respects naturels » qui leur sont dus, qui ne sont dus qu’à elles, et qui, tout justement, « consistent dans l’estime. » — « Il n’est pas nécessaire, écrivait son illustre ami, il n’est pas nécessaire, parce que vous êtes duc, que je vous estime ; mais il est nécessaire que je vous salue[1]. » Les qualités intérieures servent, dans chaque ordre ou dans chaque classe, à distinguer entre les personnes, mais ce sont les qualités extérieures qui, dans la nation, servent à distinguer entre les ordres et les classes ; les « Grandeurs naturelles » sont d’ordre moral, mais les « grandeurs d’établissement » sont d’ordre social, et par conséquent les « respects naturels » sont du domaine de la conscience et affaire privée, mais les « respects d’établissement » touchent aux institutions publiques et sont positivement affaire d’État.


III

À propos de Domat, citer Pascal, ce n’est pas simplement parler de l’ami à propos de l’ami, c’est passer des juristes aux philosophes, et il faut bien ici passer des uns aux autres. Si

  1. Pascal, Deuxième discours sur la condition des grands.