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la charrue, vignerons, bergers et autres ; » et aussi, « parmy tous ceux-là, distinguer ceux qui travaillent pour eux-mêmes, soit dans leurs héritages propres ou dans ceux des autres, et les mercenaires qui passent et gagnent leur vie à travailler pour d’autres. » Le regret de Loyseau, son scrupule de ne pouvoir pas faire passer l’agriculture en meilleure place, Domat le partage donc. « Ce sont, écrit-il, les professions les plus naturelles et qui, pour cette raison, ont fait dans les premiers temps l’occupation des personnes même du premier rang entre ceux que Dieu élevoit à sa connoissance et à son culte. » Le commandement de « gagner son pain à la sueur de son visage » a été donné à tout fils d’Adam. « Personne n’accomplit plus à la lettre cet ordre divin que les pasteurs et les laboureurs ; mais, comme ce travail est fort pénible, et qu’il occupe la plus grande partie des hommes, et les éloigne même plus qu’aucun autre de l’usage des rangs et des préséances, on place ceux qui l’exercent dans le dernier rang. » Le dernier, en effet, puisque, pour Domat, il n’est plus question des mendians, dont il ne saurait faire un ordre « selon l’ordre des besoins de la société, » et que la société, la chose est claire, n’a pas besoin des mendians, mais ne les porte que comme une plaie.

Un siècle encore, au moins trois quarts de siècle : Montesquieu et Voltaire, l’Encyclopédie, Jean-Jacques, les philosophes et les économistes. La hiérarchie sociale est demeurée si solide, malgré tous les coups et toutes les secousses, qu’il y a, par rapport aux conditions et aux professions, une échelle non seulement des dignités, mais des injures. C’est le sentiment de cette forte hiérarchie qui inspire à M. F. Dareau, avocat au Parlement et au présidial de la Marche, à Guéret, le traité où il disserte doctement et subtilement d’une si belle matière. Et naturellement, il met à part, au-dessus de tout, les offenses à la divinité et au souverain, presque sur la même ligne. Puis viennent les injures entre particuliers, avec une distinction fondamentale : d’un côté, les ecclésiastiques, et de l’autre, les gens du monde. Comme gens du monde, il range dans une seule section, la deuxième, mais chaque groupe sous un « paragraphe spécial, » les gentilshommes, les gens de guerre et les gens de robe. Les magistrats et officiers de justice forment, à l’exclusion de tous autres, la troisième section. Dans la quatrième s’entassent, — mais il y a entre celle-ci et la précédente