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sentir l’isolement ; mais, dans la paix vespérale, nous ne pouvons plus le supporter.

Le vent est tout à fait tombé. Le jet des hauts cyprès s’est figé dans le ciel plus noir. Au loin, une fontaine dit son éternelle et monotone chanson. Tout à coup, un cri rompt le silence. C’est un rossignol attardé que retient sans doute le charme tranquille de ce jardin d’été. Nous ne l’apercevons pas ; il doit être dans un massif de lauriers-roses, sur une branche que nous voyons remuer. Il s’essaie d’abord timidement, redit la même note, à mi-voix, comme dans un murmure. Il interroge les choses et écoute le silence. Puis, peu à peu, se croyant seul et se grisant de la douceur nocturne épandue autour de lui, il chante à plein gosier. Les trilles se succèdent, plus énergiques, deviennent des cris de joie et de désir. Il lance ses notes éclatantes par intervalles, semblant à chaque reprise clamer plus fort son appel d’amour. Et, toutes les fois, nous frissonnons, comme les amans de Vérone, lorsqu’ils entendaient le rossignol qui chantait sur un grenadier, dans le jardin des Capulets,


VI. — BASSANO

Moins haute et moins encerclée par les montagnes que Bellune, plus élevée que Conegliano au-dessus de la plaine vénitienne, Bassano, au débouché de la Brenta, est dans une admirable situation. Elle a vraiment grand air, avec ses restes de remparts couverts de lierre, ses promenades des Fosse aux énormes tilleuls, son château de briques rouges aux tours carrées qui rappelle un des passés guerriers les plus tourmentés qui soient. Successivement disputée et prise par ses puissantes voisines Vicence, Padoue, Vérone ou Milan, elle ne connut la paix que pendant les quatre siècles de la domination vénitienne ; mais elle paya durement cette tranquillité lors des guerres de la Révolution et de l’Empire. Comme il fallait l’avoir pour s’assurer le passage ou la retraite, toutes les campagnes de l’armée française eurent là leur épisode. En quelques années, elle fut prise et reprise plus de dix fois. Ardente patriote, elle combattit au premier rang, comme Pieve et Bellune, pendant les luttes de l’indépendance et, comme elles, se donna d’un élan unanime à la maison de Savoie.

La plus grande fierté de Bassano est pour son vieux pont