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ces hommes-là ne fussent pas des savans, n’eussent pas de méthode, lissent des cours creux ou frivoles et que science, méthode et enseignement sérieux aient été inventes depuis eux. Il me semble.

Mais ceci fut comme une digression. Tout le fort du débat a porté sur l’enseignement secondaire, parce que tout le monde a senti que c’était là qu’était le mal et que, s’il y a une « crise du français » et un abaissement de la culture française, c’est la faute, non pas certes des professeurs des lycées, mais de l’organisation de l’enseignement des lycées. C’est ce que j’avais dit ici même il y a onze mois ; je ne suis pas fâché que messieurs les sénateurs soient du même avis ; en tout cas je ne puis pas le leur reprocher.

Or, sur l’enseignement secondaire, voici, en résumé, ce qui a été dit.

Par M. le ministre de l’Instruction publique : la culture actuelle ne peut pas être celle d’il y a cent cinquante ans ; elle ne peut plus être « purement littéraire ; » il faut « que la culture générale de l’honnête homme du XXe siècle soit littéraire pour qu’il garde le goût délicat qui est dans les traditions de notre esprit national ; mais il faut aussi, pour être complète, qu’elle soit scientifique, historique et sociale. »

Nous saisissons ici ce qui est, selon moi, l’erreur même de l’esprit nouveau, de l’esprit pédagogique nouveau. Les pédagogues modernes veulent que l’enseignement secondaire soit encyclopédique. Les pédagogues modernes veulent que l’enfant de dix-sept ans sache tout, et c’est-à-dire, puisqu’il n’a que dix-sept ans, sache « un peu de chaque chose et rien du tout, à la française. » Cela a été raillé il y a trois cent cinquante ans par Montaigne. Avec raison, je crois. Il ne s’agit pas de faire connaître à l’enfant un peu de tout ; il s’agit de lui former un esprit juste. Est-ce avec la dispersion sur tous les sujets qu’on lui formera cet esprit juste ? Je ne crois pas. Je crois plutôt qu’on le lui déformera, s’il l’a juste. Et par quoi pourrait-on « former » l’esprit juste ? Par l’éducation littéraire plutôt que par tout autre. C’est l’avis de M. de Lamarzelle, et c’est le mien. Mais en tout cas ce n’est pas par la dispersion encyclopédique, par la distraction (dans tout le sens du mot) encyclopédique, qu’on le lui formera.

Mais précisément, c’est l’éducation littéraire qui est