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théorie avec les théories naturalistes, telle que celles des stoïciens ou de Spinoza. Pas plus qu’il n’accepte le Dieu des chrétiens pour authentiquer les ordres moraux, il n’accepte la nature pour les imposer. Car l’autonomie de la raison exige que nous puissions examiner les ordres donnés, les examiner, donc douter de leur légitimité, de leur valeur, et par conséquent elle exige que nous puissions leur refuser l’obéissance et leur dire non. Il ne suffit pas qu’un événement nous apparaisse comme le résultat nécessaire d’une suite d’événemens antérieurs pour que notre conscience l’approuve ou même qu’elle s’y résigne ; il faut, pour cela, que cet événement puisse trouver place dans une série dont il tend à préparer et à faire réussir l’ensemble. Les mécanismes de la nature ne sont ni moraux ni immoraux ; il n’y a de moralité que là où se trouve la finalité. Est moral ce qui sert à une fin bonne, est immoral ce qui produit une fin mauvaise. La vérité morale n’est donc pas une vérité de l’ordre physique et purement scientifique qui n’admet que la constatation intellectuelle, elle n’est pas une réalité achevée, constituée, déjà faite par conséquent et à laquelle personne ne peut rien changer, c’est une réalité qui se fait. Voilà pourquoi elle n’est pas seulement comme la vérité scientifique, mais elle doit être : la fin la conditionne d’après le vouloir-être ou le vouloir-vivre initial qui donne le branle à l’action. Or il n’y a et il ne peut y avoir de finalité que dans l’esprit et par rapport à la volonté : la moralité est donc quelque chose d’essentiellement spirituel. Mais si l’on veut éviter l’anarchie morale, si l’on veut introduire la vérité rationnelle dans la morale, il faut de toute nécessité répudier le formalisme moral, tout cet appareil sophistique des intentions qui peuvent servira justifier les pires immoralités ; il faut ne pas demander à l’esprit individuel de se régler et de se juger lui-même ; il faut que, dans la morale comme dans la science, il cherche des lois objectives pour y conformer ses jugemens. Ces lois objectives, M. Belot les trouve dans l’observation des consciences, non pas des consciences individuelles, comme M. Rauh, mais des consciences collectives. Tous les hommes jugent en effet du bien et du mal et là où leurs jugemens se trouvent d’accord il n’est pas vraisemblable que tous se trompent. Il n’y a d’observable, de positif, de réel que des actes, des actes concrets. Et si l’on veut connaître la qualification que méritent les actes humains, le seul procédé