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et sous l’Empire, s’accentue sous la monarchie de Juillet, et n’a cessé de s’aggraver depuis, pour prendre dans ces dernières années des proportions alarmantes. On a expliqué le fléchissement de la Révolution par les malheurs du temps et celui de l’Empire par les sanglantes hécatombes de l’épopée impériale. Il y a sans doute une part de vérité dans cette explication, mais il ne faut pas s’en contenter. En étudiant la natalité des villages pendant les premières années du siècle dernier, on constate qu’elle diminue chez les bourgeois pendant qu’elle se maintient chez les paysans. On peut varier les recherches en prenant sur différens points dix domaines comprenant chacun plusieurs métairies, ce qui donne 10 familles bourgeoises et de 40 à 60 familles de métayers, le résultat est toujours le même. On a d’ailleurs remarqué qu’à cette époque, la natalité dans les villes, à Toulouse par exemple, était moins forte que dans les campagnes environnantes, sans doute parce que la proportion des familles bourgeoises y était plus élevée.

Dans la bourgeoisie, certains groupes sont plus tôt atteints que d’autres ; il semble que la natalité diminue d’abord chez les notaires, les magistrats, les avocats, les agens d’affaires, ou encore chez ceux qui se sont le plus rapidement adaptés aux idées nouvelles, qui s’enrichissent par les charges, les emplois publics, les fournitures, les spéculations, l’achat et le commerce des biens nationaux.

Les uns connaissent la législation nouvelle sur le régime successoral, l’appliquent tous les jours, en savent la portée ; les autres ont de bonnes raisons pour s’y intéresser, pour se préoccuper des dangers qu’elle fait courir à des fortunes récentes et inattendues. Plus d’un notaire de village, devenu subitement propriétaire du domaine seigneurial pour quelques poignées d’assignats, regrette le droit d’aînesse qui en aurait assuré la perpétuité à sa descendance. Ne pouvant le faire revivre, il tourne la difficulté en se limitant à un fils unique. Dire, comme on l’a fait, que la loi nouvelle n’a pas eu une influence décisive sur la natalité, parce qu’elle n’a fait sentir ses effets d’une façon très appréciable que trente ans après, c’est méconnaître la réalité et l’enchaînement des faits.

La loi eut tout de suite l’action qu’elle devait avoir sur ceux qui la connaissaient, l’appliquaient, en redoutaient les effets. Avec les années, ses applications se multiplièrent, on la vit à