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la refouler. Au premier moment, il dispersa les tirailleurs français, mais bientôt l’offensive de Saint-Hilaire avec ses deux brigades le contraignit à se replier. Pour couvrir sa retraite, il fit vainement donner ses vingt escadrons de chevau-légers et de cuirassiers. Chargée à trois et quatre reprises par le 8e hussards et les 11e et 16e chasseurs, cette cavalerie s’enfuit, bousculant sur son passage plusieurs bataillons d’infanterie prussienne. Les troupes de Holtzendorf se retirèrent en grand désarroi par Sleebritz sur Nerkewitz, puis sur Stobra où elles se rallièrent vers onze heures et demie. Soult ne les fit poursuivre que jusqu’à Nerkewitz, en fidèle exécuteur des ordres de Napoléon, qui lui prescrivaient de « se tenir toujours là pour tenir la droite de l’armée : » Par un changement de front, sa droite en avant, il porta la division Saint-Hilaire et la cavalerie face à l’Est et se mit en marche vers Altengonna-Krippendorf, afin de continuer son vaste mouvement enveloppant.

Tandis que Soult manœuvrait si bien contre la gauche prussienne, Augereau venait en menacer la droite. La division Desjardins et la cavalerie Durosnel, bivouaquée à Lichtenhain, s’étaient ébranlées aux premiers coups de canon, se dirigeant vers les plateaux du nord d’Iéna. Elle franchit le Muhlthal, mais sans en suivre les longs défilés et s’engagea dans le Cospedaer-Grund. Le chemin était étroit et rude. Pour abréger la durée de la marche, la brigade Lapisse contourna les flancs de la montagne à travers les vignes, et la brigade Heudelet, l’artillerie et la cavalerie cheminèrent dans le ravin. Vers dix heures, les deux brigades débouchèrent sur le terrain et se formèrent en deux lignes, face au bois d’Isserstedt, prolongeant la gauche de Lannes et de Ney.

La poursuite serrée des troupes de Tauenzien, qui s’étaient repliées vers le Nord, puis vers l’Ouest, avait eu pour conséquence une vaste conversion à gauche de toute la ligne française. Vers dix heures, ce changement de front total était à peu près opéré. Au lieu de faire face au Nord comme au début de l’action, l’armée impériale faisait face à l’Ouest. Ce grand mouvement s’était, il semble, exécuté naturellement, automatiquement. En suivant de tout près les pas de l’ennemi en fuite, les tirailleurs l’avaient imprimé à l’armée. Il ne paraît pas qu’il y ait eu pour ce changement de direction aucun ordre précis de l’Empereur ni des commandans de corps d’armée. Les tirailleurs