Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/769

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coup de feu n’avait été tiré. Un aide de camp de Suchet, qui portait un ordre à Claparède, entendit très distinctement des commandemens en allemand dans le bois qu’il ne distinguait pas. Il en informa ce général qui interrompit sa marche et fit aussitôt ouvrir le feu dans la direction indiquée. La ligne prussienne riposta, et les deux pièces de Claparède et une batterie prussienne entrèrent en action. Aux premiers coups de canon, on entendit dans les rangs de la Garde, qui s’avançait en troisième ligne, cette réflexion d’un vieux soldat d’Egypte : « Voilà les Prussiens qui toussent. Il faut leur porter du vin sucré. » On se fusilla sur place pendant près de cinq quarts d’heure. On tirait au jugé en se repérant mutuellement sur les feux de l’adversaire ; mais, à si courte portée, la mousqueterie était néanmoins très meurtrière. Pour en finir, Suchet avait voulu lancer quelques bataillons à la baïonnette ; la charge avait même battu. Mais le long arrêt du 17e léger devant la fusillade des Prussiens et l’obscurité qui continuait de régner avaient produit parmi les troupes un extrême resserrement d’où résultait une confusion déplorable. « Il fallait tâter comme des aveugles, dit Coignet, on se heurtait les uns contre les autres. » Dans ces conditions, Suchet dut se résigner à différer l’attaque, et l’on recommença à tirailler de pied ferme. Enfin, vers sept heures trois quarts, le brouillard se dissipant, Suchet vit le bois tout proche et y lança la brigade Claparède qui le nettoya et du même élan en repoussa les défenseurs jusqu’à Closewitz où ils ne tinrent pas. Le 17e léger, déjà très éprouvé à Saalfeld, avait subi de grosses pertes, et les hommes n’avaient plus de cartouches. Suchet fit relever ce vaillant régiment par le 34e (brigade Reille). À ce moment, Suchet aperçut trois bataillons de grenadiers saxons qui s’avançaient de Lutzeroda, menaçant sa gauche. Il les fit charger par les 2e et 3e bataillons du 34e, bientôt soutenus par un bataillon du 88e (brigade Vedel) et le 21e léger (division Gazan). Les trois bataillons saxons et deux autres qui marchaient à leur droite en échelon résistèrent bien d’abord, mais finirent par battre en retraite au-delà de Lutzeroda en abandonnant leurs canons.

Tauenzien rassembla sur les versans et le sommet du Dornberg ses troupes en retraite. Bien qu’il n’eût fait jusqu’alors qu’une défense faible et décousue, négligeant d’occuper en forces les villages de Closewitz et de Lutzeroda, redoutes