Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs est significatif : malgré les progrès de l’hygiène générale, la diminution de la morbidité aiguë, la rareté extrême des naissances, — et on sait que, là où il naît peu d’enfans, il doit y avoir peu de décès, puisque c’est la première enfance qui paye le plus large tribut à la mort, — la mortalité reste élevée, supérieure à la mortalité moyenne de la France. Nous avons peu de berceaux et beaucoup de cercueils.

Comment expliquer cette dégénérescence ? Certes bien des causes y contribuent : la caserne qui rend quelquefois malades ceux qui ne l’étaient pas et développe la maladie chez d’autres qui en portaient le germe, les contacts chaque jour plus faciles et plus nombreux avec la ville, le séjour à l’école où le groupement des écoliers donne lieu à plus d’une contamination, les travaux trop pénibles imposés aux jeunes femmes et aux enfans, par suite du manque de main-d’œuvre. Il y a encore les excès précoces des jeunes gens qui, grâce à la bicyclette, échappent de bonne heure à la surveillance des familles, les méfaits du café de village où chaque dimanche toute la population s’entasse, mais qui a ses cliens de tous les jours, ceux qui se sont dérobés au travail de la terre pour prendre des métiers légers ou problématiques, barbiers, marchands de journaux, musiciens, faiseurs de filets, courtiers vagues, agens électoraux à l’occasion ; on les traite de paresseux et ce sont souvent des malades ; avec les invalides, les vieillards catarrheux, les convalescens, ils sont là fumant, toussant, crachant autour du poêle qui ronfle et qui dessèche les poussières dangereuses que certains jours le tourbillon de la danse fera voler. Toutes ces sources d’altération de la race ont de l’importance, mais l’action silencieuse, générale et continue de l’hyponatalité est autrement redoutable.

Dans les vieilles familles paysannes, fixées depuis longtemps sur le même sol, sans émigration temporaire, sans changement de métier, dont on a pu suivre l’histoire médicale pendant quatre ou cinq générations, quand un fléchissement s’est produit, c’est presque toujours à la suite d’un mariage regrettable qui a fait entrer un conjoint de race tarée dans une famille saine. On peut penser que l’introduction d’un sang pur dans une famille atteinte ne manquera pas de la relever et qu’il doit y avoir compensation : il en est peut-être ainsi ailleurs, dans des milieux sociaux différens, avec des précautions minutieuses,