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serait étendue à « tous les délits de presse et politiques et à toutes les infractions, quelle que soit leur qualification pénale, commises en matière de réunions, grèves, manifestations, et à l’occasion des événemens de la Champagne. » On nous dispensera d’indiquer les raisons qu’a données M. Sixte-Quenin pour justifier sa proposition ; tout le monde les devine, et la réponse de M. Caillaux est la seule chose qui importe. « L’heure, a-t-il dit, serait très inopportune pour la proclamation d’une amnistie… Peut-être la fréquence de certains accidens, — on compte 2 936 actes de sabotage depuis le mois d’octobre dernier jusqu’au moment présent, — doit-elle être attribuée en partie à cette circonstance qu’on a trop énervé la répression par de très fréquentes amnisties. À qui et à quoi s’applique la demande d’amnistie déposée par M. Sixte-Quenin ? Aux camelots du Roi, à ceux qui, dans des manuels, ont indiqué les meilleures méthodes de pratiquer le sabotage des voies ferrées, à ceux qui, constamment ou à de fréquens intervalles, ont fait ce qu’on appelle la chasse aux renards, aux antimilitaristes. Est-ce le moment, je le demande à tous les républicains et à tous les Français, est-ce le moment d’amnistier de pareils actes ? » Les discours de M. Caillaux sont brefs, mais chaque mot porte et rien ne manque dans l’énumération que nous venons de reproduire. Les camelots du Roi mis hors de cause, car ils se donnent pour le moment plus de mouvement qu’ils ne font de besogne, restent les saboteurs, les chasseurs de renards, les antimilitaristes : chacun méritait bien une mention spéciale, et chacun a eu la sienne.

La Chambre a été frappée du chiffre de 2 936 actes de sabotage qui ont été commis depuis moins de dix mois : on n’aurait pas cru le mal aussi profond, ni aussi répandu. Sans doute tous ces actes n’ont pas la même importance, mais tous procèdent de la même intention, qui est détestable et qui ne rencontrerait dans aucun autre pays du monde la même tolérance que chez nous. Cette tolérance est-elle sur le point de cesser ? On peut l’espérer : il semble bien que M. Caillaux veuille entrer dans des voies nouvelles. La gravité, la multiplicité des attentats commis sur les lignes de chemins de fer, notamment sur celles de l’Ouest-État, ont fini par lasser la patience publique : elle est à bout. Le moment est venu de prendre des mesures décisives. On a parlé de lois à faire : commençons par appliquer les anciennes ; beaucoup de personnes croient qu’elles sont suffisantes, si on sait ou si on veut vraiment s’en servir. Il faut les appliquer notamment contre les chasseurs de renards, c’est-à-dire garantir rigoureusement et vigoureusement la liberté du travail. Les ouvriers du bâtiment se