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s’est pas mépris sur le sens de cette omission, contre laquelle il a élevé aussitôt ses protestations et ses lamentations. Eh quoi ! On avait eu enfin la bonne fortune de trouver un ministre décidé à engager contre les Compagnies de chemins de fer une lutte à mort, et M. Caillaux congédiait cet homme rare ! À partir de ce moment, la guerre était déclarée contre lui : mais on ne désespérait pas de le faire capituler, soit par persuasion, soit par intimidation, soit même par violence. M. Colly se chargeait d’employer ce dernier moyen : il a échoué comme les autres. M. Caillaux est resté inébranlable sur les positions qu’il avait prises. Sans doute il a promis de continuer la conversation avec les Compagnies en vue d’obtenir d’elles les réintégrations raisonnables, mais c’est tout. Pour lui, les Compagnies de chemins de fer ne sont pas l’ennemi contre lequel il faut courir sus et contre lequel tout est permis. Elles ont avec l’État des contrats que celui-ci est tenu de respecter et qu’il violerait s’il leur imposait par voie législative des obligations qui n’y sont pas comprises. Les Compagnies sont d’ailleurs responsables de la sécurité des voyageurs ; ayant cette responsabilité, qui est lourde, aujourd’hui surtout, elles doivent avoir l’autorité correspondante ; le maintien de la discipline est à ce prix. M. Jaurès ayant alors proposé la création de conseils de discipline, composés par tiers de représentans de l’État, des ouvriers et des Compagnies, M. Caillaux a déclaré qu’un pareil projet était inacceptable, attendu qu’on ne pouvait pas donner aux Compagnies un tiers d’autorité en leur laissant toute la responsabilité. En entendant ces vérités de sens commun, les socialistes unifiés ne pouvaient pas en croire leurs oreilles. À un moment, M. Jaurès, s’adressant à M. Caillaux, s’est écrié : « Vous ne parliez pas ainsi au moment de la discussion de l’impôt sur le revenu ! » À quoi M. Caillaux a répliqué : « Nous pourrons nous trouver d’accord pour réaliser de grandes réformes démocratiques ; nous ne nous trouverons jamais d’accord pour la démagogie et pour le désordre. » Il n’y a pas eu, dans toute cette discussion, de mot plus important que celui-là. Et nous dirons, à notre tour, que nous pourrons cesser d’être d’accord avec M. Caillaux lorsqu’il voudra réaliser, d’accord avec M. Jaurès, certaines réformes prétendues démocratiques, mais que nous serons toujours avec lui contre la démagogie et le désordre.

La question des cheminots n’est pas la seule qui se soit présentée à la Chambre et que le gouvernement ait eu à traiter. Un député collectiviste, M. Sixte-Quenin, a cru le moment bien choisi pour déposer une demande d’amnistie : cette amnistie aurait été très large, elle se