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Tout semble avoir été dit sur les conséquences funestes de l’abaissement de notre natalité. Il compromet notre sécurité et atteint la puissance de la France dans toutes ses sources : agriculture, industrie, commerce, productivité fiscale, expansion coloniale, diffusion de notre langue, rayonnement de notre génie. Il présente cependant un autre danger, que nous avons peut-être signalé le premier[1], qui s’est révélé et qui se révèle chaque jour à nous en Gascogne avec une lumineuse netteté. L’hyponatalité est une cause précise et directe de la dégénérescence de la race, un facteur puissant qui à chaque génération multiplie cette dégénérescence par elle-même.

Nous avons eu soin de dire que le fait n’est pas vrai a priori, c’est-à-dire forcément partout et toujours, et il faut entendre par là qu’on peut supposer un groupe de familles d’élite qui maintiendrait son niveau, tout en restreignant ses naissances, encore que, même dans ce milieu choisi, la forte natalité reste très favorable. Mais il est rigoureusement exact dans les populations rurales que nous observons, et on doit le retrouver partout où sont réunies les mêmes contingences.

C’est une chose étrange qu’en Gascogne, sur une terre fertile, sous un climat salubre, dans de bonnes conditions économiques, sans aucun de ces grands centres urbains qui attirent les plus forts pour les dévorer, sans alcoolisme notable[2], avec un travail très adouci par la machine, alors que les plus grands progrès ont été réalisés pour le logement, le vêtement et la nourriture, la race ne semble tirer aucun bénéfice de ces progrès. La dégénérescence est manifeste pour tous ceux qui ont connu les générations d’autrefois. Le masque des visages est moins énergique, les belles attitudes que donnent la souplesse et la force sont plus rares, les saillies musculaires se sont effacées ; beaucoup de jeunes filles, dont les grand’mères à la taille bien prise et à la nuque solide portaient les plus lourds fardeaux sur la tête, cachent une légère déviation sous le corset, les jeunes gens ont perdu l’aptitude à la marche et l’endurance aux travaux pénibles, la résistance dans les maladies est moindre, enfin la tuberculose, au lieu de reculer, gagne du terrain. Ceci

  1. Communication au Congrès d’Hygiène sociale d’Agen, juin 1909.
  2. Des réserves doivent être faites pour la partie de la Gascogne qui produit l’eau-de-vie dite d’Armagnac et sur laquelle, d’ailleurs, ne porte pas mon observation.