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la médiation de la France auprès du Dey d’Alger. Telles sont les modifications que Lannes est chargé de faire accepter au Régent, les deux projets antérieurs étant tous deux retirés. Ce nouveau texte est accepté, non sans quelques difficultés, par le Régent ; mais enfin, Dom Joaö cède, et le traité, envoyé aussitôt à Paris, reçoit le 15 germinal an XII (5 avril 1804), l’approbation du Premier Consul. La ratification ne tarde que de quelques jours ; Lannes la reçoit avec une lettre de Bonaparte pour le Régent qu’il a l’ordre de lui remettre en audience particulière.

En somme, c’était un succès et un grand succès pour Lannes, car le traité définitif était, à peu de chose près, celui-là même qu’il avait signé le 27 frimaire. Certes, les modifications introduites par Talleyrand avaient leur valeur ; mais on ne peut comprendre que par un effet de son animosité contre Lannes sa dureté des critiques qu’il adresse tout d’abord à l’œuvre du ministre de France à Lisbonne. Si elles sont fondées, pourquoi ne les maintient-il pas ? Pourquoi, après avoir déclaré la conventem inacceptable, propose-t-il ensuite de la modifier simplement ? C’est, dit-il, que les troupes rassemblées pour menacer l’Espagne sont dispersées, et que la France n’a plus en main ce puissant moyen d’action sur le Portugal ; c’est peut-être aussi que Talleyrand a reconnu à la réflexion qu’on pouvait et qu’on devait se contenter des concessions obtenues par Lannes, quitte à les préciser au point de vue commercial.

Lannes avait donc le droit d’écrire à son beau-père, le 18 mars 1804 : « J’ai obtenu une nouvelle signature et un nouveau traité, c’est-à-dire les mêmes articles que mon premier ; le misérable T…, au lieu d’applaudir à tout ce que je fais, m’a toujours cherché chicane ; mais je crois que si le Premier Consul a le temps de réfléchir, elle restera pour lui. Au reste, j’ai fait l’impossible ; j’ai obtenu de grands avantages pour notre commerce, j’ai enterré l’influence anglaise en Portugal. »

Si la rancune subsiste, elle ne se traduit plus officiellement. Talleyrand déclare à Lannes que le Premier Consul est infiniment satisfait du zèle avec lequel il a suivi cette négociation et de la manière dont il l’a terminée. Lannes répond en priant Talleyrand « d’agréer ses remerciemens et de vouloir bien en transmettre l’expression au Premier Consul. »

Celui-ci, d’ailleurs, lui écrivit presque en même temps (16 avril) la lettre suivante, qui montre d’une manière