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et donne lecture au Régent des deux projets de convention. Celui de la médiation espagnole produit sur Dom Joaö une impression que « rien ne peut détruire. » Reste alors la seconde combinaison ; mais cette exemption de tous droits serait la perte du Portugal, puisqu’il ne pourrait l’accorder à la France sans l’accorder aussi à l’Angleterre ; et, dans ce cas, comme presque toutes ses ressources proviennent des douanes, et qu’elles ne produiraient pour ainsi dire plus rien, ce serait la ruine, par suite l’impossibilité de payera la France le subside qu’on exige de lui. Il réplique donc qu’il voit bien qu’on veut le forcer à se retirer en Amérique et « qu’il s’attachera, s’il le faut, à cette ressource qui lui sera commandée un peu plus tôt, un peu plus tard. »

Le lendemain de cet entretien, Joaö fait renouveler son refus par Balsemaö, et Lannes, n’étant pas autorisé à modifier ses instructions, ne peut qu’en solliciter de nouvelles. Seulement ce n’est pas à Talleyrand, c’est à Bonaparte lui-même qu’il les demande, et cela lui permet une attaque à fond contre son adversaire : « Il est bien cruel pour moi, citoyen Premier Consul, de voir, et d’une manière aussi évidente, que mes efforts sont traversés par l’inimitié personnelle du ministre sous la direction duquel je me trouve… Le dévouement que je n’ai cessé de manifester pour votre personne, que j’ai consacré par tant de zèle, que j’ai tant de fois scellé de mon sang, attendait, permettez-moi de le dire, une récompense plus douce… Si je dois faire prévaloir sans réserve l’un des deux projets qu’il m’a adressés, je me vois dans l’impossibilité d’y réussir, et, dans tous les cas, je vous prie de m’accorder mon rappel par le retour de mon courrier. »

La dépêche de Lannes, qui nous paraît si insolite dans la forme et si imprudente dans le fond, va produire cependant de l’effet sur l’esprit du Premier Consul ; car, voici Talleyrand qui se relâche de ses rigueurs ; s’il critique encore la convention du 27 frimaire, c’est, du moins, en termes modérés, et il propose maintenant d’en corriger simplement le texte, et non de le remplacer par un autre. On mettra « qu’en aucun cas, les productions françaises ne supporteront une taxe plus forte que la taxe imposée aux marchandises de même nature ou analogues, importées par les négocians des puissances les plus favorisées. » On remplacera le mot « maintenir » la neutralité du Portugal par le mot « reconnaître, » — on supprimera l’article relatif à