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dû envoyer un courrier à Madrid pour se renseigner, qu’il n’a passé on ne passera aucune convention sans la lui « participer » et sans répondre ainsi à ses sollicitations amicales. Dans cette tortueuse négociation, tout le monde se plaint, Lannes, le Régent, son ministre à Paris. Ce dernier ne vient-il pas d’apprendre qu’il était question de le remplacer ? Abandonné depuis trois mois sans nouvelles, tenu hors des pourparlers après avoir été l’objet des premières ouvertures, il gémit, et prie Talleyrand de demander au Premier Consul si celui-ci réclame, en effet, son rappel.

C’est Lannes qui a demandé et presque obtenu ce rappel. Talleyrand lui fait bien sentir qu’il n’avait pas qualité pour cela : « Le Premier Consul, ayant voulu savoir si on avait pu penser à Lisbonne qu’il désirait le rappel de M. de Souza, a demandé à voir ma correspondance, et il s’est assuré, par vos lettres, que vous n’aviez point fait de démarches à cet égard, et par les miennes, que vous n’aviez pas été autorisé à en faire.

« Mais, en s’arrêtant sur la suite de vos dépêches, il a remarqué que quelques-unes d’entre elles, et surtout celles des 13, 16 et 20 brumaire, étaient sans mesure dans la forme et sans motif fondé quant aux objets que vous aviez eus en les écrivant. Il a voulu que ces lettres ne restassent pas dans les cartons de mon ministère, et il m’a chargé de vous dire qu’il désirait que la trace n’en restât pas dans ceux de votre légation. »

Quoi qu’il en soit, la négociation, réduite à la seule question des subsides, n’avançait guère. Les Portugais avaient été d’abord très effrayés à la nouvelle que l’armée française, rassemblée pour envahir l’Espagne, au cas où cette puissance ne se déclarerait pas contre l’Angleterre, allait être employée contre eux-mêmes. Une fois assurés que l’Espagne avait pris le parti de la neutralité, et que les Français se disloquaient, avertis en même temps que l’empereur de Russie s’était déclaré opposé à toute entreprise contre leur pays, ils avaient repris courage et cherché d’abord à gagner du temps. Balsemaö dispute le terrain pied à pied ; pour qu’il cède, il faut que Lannes, impatienté, finisse, le 25 frimaire, par exiger une réponse, refus ou signature, dans la journée, terminant par ces paroles menaçantes qu’il n’était du reste pas autorisé à prononcer : « C’est aux ministres de Son Altesse Royale à voir s’il convient au Portugal de courir, sans aucun appel, les chances d’une guerre contre la République française. »