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en 1627, tout ce que désirait l’âge nouveau, un art sérieux et chrétien, ne donnant pas une trop grande importance aux joies dangereuses du coloris, proscrivant tout ce qui n’aurait d’autre but que de charmer et qui parfois pourrait corrompre, surtout évitant ces nudités que l’on avait tant aimées sous François Ier et sous Henri II, et qui prendront à nouveau tant de place sous Louis XIV. C’est un art où la logique dominera, et le mot de logique est bien celui qu’il faut employer pour caractériser la société qui vit les philosophes de Port-Royal.

Si Vouet fut le créateur de l’école, c’est le Poussin qui en fut le roi. Le Poussin est allé à Rome de bonne heure, et il y a passé pour ainsi dire toute sa vie. Là il a fait son éducation, là il a vécu dans l’intimité des plus grands maîtres de l’Italie, surtout il fut l’ami du Dominiquin auquel, sur certains points, il ressemble tant. Le Poussin est un maître de l’Ecole de Bologne ; mais les qualités de sérieux, de philosophie, de profondeur de pensée, il les a à un plus haut point qu’aucun maître italien de cet âge, et il faut penser que par là il appartient au pays qui, au même moment, voyait naître un Descartes et un Pascal.

Moins italianisé fut Lesueur, dont l’art nous dit ce que pouvait donner le maintien des traditions françaises, Lesueur, plus dégagé que les maîtres italiens des souvenirs de la Renaissance, moins hanté par les réminiscences païennes, a pu être simple et naïf comme un Fra Angelico et retrouver la candeur des âmes toutes vouées au service de Dieu. L’art de Lesueur est d’une beauté unique, c’est bien l’art tout fait de bonté et de joie céleste, qui convenait au siècle de saint Vincent de Paul.

À côté de lui, aussi chrétien, mais moins sensible, moins épris de joie et d’espérance, un homme qui semble porter en lui la tristesse de son siècle, l’homme grave et austère qui plus que tout autre était fait pour plaire au cardinal de Richelieu, Philippe de Champagne, qui vint en France en 1628, est vraiment, non certes un aussi grand artiste que le Poussin ou Lesueur, mais comme eux un parfait représentant de cet âge.

Enfin un autre artiste, non moins grand, est à rapprocher d’eux, Claude Lorrain, si remarquable par sa noblesse et sa sensibilité, par cet amour de la nature que la Renaissance, trop absorbée dans sa contemplation des œuvres antiques, tendait à