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Comment cela a-t-il pu se faire ? Certes c’est un des points les plus dignes de retenir notre attention, un des plus instructifs, un de ceux qui nous feront le mieux pénétrer dans les secrets de l’architecture, dans les lois qui agissent sur elle et surtout qui nous montreront combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’acclimater dans un pays une architecture étrangère.

Le fait est celui-ci, c’est que dans le nouveau style inspiré de l’Italie, on abandonna le décor des anciennes églises françaises, sans savoir et sans pouvoir le remplacer par le décor des églises italiennes.

En France, on était habitué depuis plusieurs siècles à une manière particulière de décorer les églises, par l’emploi pour ainsi dire exclusif du vitrail. Le jour où l’on avait découvert cette merveilleuse invention de peindre, non sur les surfaces des murs, surfaces sans éclat, absorbant la vivacité des couleurs et les assombrissant, mais sur des verres qui laissaient aux couleurs toute leur transparence, ce jour-là, on n’eut plus qu’une idée, celle de multiplier le plus possible ces surfaces de verre, de supprimer les murailles, de ne laisser dans l’édifice gothique que ce qui était indispensable de maçonnerie pour soutenir les voûtes. Et, dès lors, il n’y eut plus de place pour la peinture, qui disparut pour ainsi dire complètement des églises françaises.

Dans le nouveau système de construction que la France empruntait à l’Italie, tout allait être modifié. Du moment où l’on renonçait au système des voûtes à nervures pour adopter les voûtes en berceau, il fallut pour soutenir ces voûtes revenir au système des murs continus, de murs dont on ne pouvait affaiblir la solidité par la percée de trop grandes fenêtres. Et la lumière donnée par ces fenêtres, il fallait se garder de la diminuer par des vitraux. Le vitrail disparut, emportant avec lui ce qui était une des plus belles parures de l’architecture française.

La conclusion logique du changement d’architecture était de remplacer les vitraux par des peintures sur les murs, de suivre jusqu’au bout les formes italiennes, de ne pas se contenter d’emprunter leurs formes constructives, mais de prendre aussi leur décor. Malheureusement, s’il y avait en France des miniaturistes, des peintres de portraits ou de petits tableaux, il n’y avait