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Saalfeld ; et il prend en tel mépris les généraux ennemis qu’il admet la probabilité que des succès partiels comme Schleitz et Saalfeld encore renouvelés suffiront à écraser l’armée prussienne « sans qu’il soit peut-être besoin d’affaire générale. » Puis, dans la matinée du 12, il écrit que l’ennemi bat en retraite derrière l’Ilm pour se replier vers la basse Saale. Les opinions divergentes qu’il se fait, faute de renseignemens précis, retardent sa décision. Comme les Prussiens attendent pour prendre un parti le développement des manœuvres de l’Empereur, lui, pour se déterminer, attend de connaître les premiers mouvemens des Prussiens. Mais il a sur eux cette supériorité et cet avantage que, tandis qu’ils piétinent autour des mêmes points, lui fait faire à ses troupes des étapes de dix lieues. La belle manœuvre qu’il a conçue, dit-on, dès avant son départ de Paris est déjà plus qu’à moitié opérée. Il a complètement tourné la gauche ennemie, et, prêt à parer à chacune des éventualités qu’il prévoit, il les envisage toutes avec tranquillité. Il n’est pas inquiet, mais il est impatient. Comme il l’a écrit à Soult, il « désire beaucoup une bataille. » D’ailleurs, s’il a coupé aux Prussiens leur ligne de retraite par la Saale sur Dresde et sur Leipzig, ils peuvent encore aller passer l’Elbe à Magdebourg. C’est ce qu’il voudrait empocher. Aussi, présumant que, grâce aux temporisations et aux hésitations de ses chefs, l’armée prussienne va encore s’immobiliser à Erfurth, il arrête, dans la nuit du 12 au 13, un plan qu’il a ébauché le 10 et le 11 et qui consiste à passer la Saale pour se porter sur Weimar et y livrer bataille. Toutes les dispositions de marche sont déjà fixées dans son esprit. La Garde, la cavalerie de réserve, Soult et Lannes marcheront par Iéna ; Bernadotte et Davout par Dornbourg et Apolda ; Ney et Augereau par Kahla et Magdala. Toutefois, dans cette matinée du 13 octobre, il veut que l’armée ne fasse aucun mouvement « pour que les troupes, dit-il, prennent un peu de repos, et pour donner le temps de rejoindre. » Ce ne sont point des prétextes, ce sont des raisons ; mais la principale, Napoléon ne la dit point : c’est qu’il n’est pas encore tout à fait déterminé. Pendant l’heure qui suit, il reçoit de nouveaux renseignemens où il prend la certitude que Brunswick, changeant derechef de position et d’objectif, se replie sur l’Elbe. « Enfin, le voile est déchiré, écrit-il à Murat, à neuf heures du matin, l’ennemi