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droite vers la hauteur du Sandberg, où il avait dirigé, une heure auparavant, un bataillon et de l’artillerie. Mais cette manœuvre ne put s’opérer, les instructions du prince, qui lui-même était accouru à Saalfeld que les défenseurs abandonnaient, étant mal comprises et plus mal encore exécutées par des sous-ordres démoralisés et des troupes en confusion.

Vers une heure, les trois brigades de Suchet ayant enfin débouché, Lannes commanda l’attaque générale. À la droite, le bataillon d’élite de la brigade Claparède entre dans Saalfeld et en poursuit les défenseurs. À la gauche, les 34e et 40e et le 21e chasseurs se portent vers le Sandberg. Au centre, Lannes et Suchet avec le 17e léger et le 64e de ligne, ayant en réserve les 9e et 10e hussards et le 88e. Sur ce point, les bataillons saxons et prussiens ralliés opposèrent d’abord quelque résistance partielle. Lannes, voyant la désunion de leurs mouvemens et le flottement de tout leur front, les fit charger sur deux lignes par les 9e et 10e hussards. Mais avant d’atteindre l’infanterie, le 9e hussards subit le choc de cinq escadrons saxons menés à une allure furieuse par Louis-Ferdinand, l’épée au poing. Cette charge désespérée était le dernier espoir du malheureux prince, et il put un instant croire au succès. Abordé sur son flanc gauche, le 9e hussards fut rompu jusqu’au deux tiers de son front. Mais en seconde ligne, il y avait une autre « muraille, » les cavaliers du 10e hussards. Ceux-ci se divisant, assaillent sur les deux flancs la cavalerie saxonne, la disloquent entièrement, et la poursuivent, pointe aux reins, pendant quinze cents mètres, jusqu’à la Saale, culbutant et sabrant au passage les fantassins en fuite. Aux bords de la rivière où les vaincus s’acculent en désordre, atroce mêlée et corps à corps sanglans, que termine la mort ou la mise bas les armes de ceux des fuyards qui n’ont pu traverser la Saale à gué ou à la nage.

Dans ce furieux combat de cavalerie, le prince Louis-Ferdinand s’était valeureusement conduit. Entraîné dans la déroute jusqu’au bord de la Saale et ne voyant là, autour de lui, aucune fraction de troupes encore en ordre dont il pût prendre le commandement, il se résigna à fuir. Mais, au lieu, de traverser la Saale comme il pouvait le tenter avec succès, bien monté comme il était, il s’avisa d’en descendre la rive gauche de façon à gagner Schwarza où il pensait que l’on combattait encore.