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congé de vingt jours à Ney et à Davout. Le 5, à la vérité, il écrit à Berthier que « les nouvelles circonstances le portent à penser sérieusement à la situation de ses armées ; » en conséquence, il va envoyer des renforts à la Grande Armée, il demande l’état de situation générale, et aussi des renseignemens sur les débouchés des chemins qui conduisent de Bamberg à Berlin. Mais si déjà son plan de campagne éventuel est arrêté dans son esprit (« Huit jours après que j’en aurai donné l’ordre, il faut que toutes mes armées soient réunies à Bamberg… Je conçois qu’en huit jours tous mes corps d’armée se trouveraient réunis au-delà de Kronach. Or de ce point, frontière de Bamberg, j’estime dix jours de marche jusqu’à Berlin ; ») il ne donne encore aucun ordre de rassemblement. Dans sa lettre du 9 septembre, au même Berthier, il parle encore de la guerre comme toute conditionnelle : « … Si je faisais la guerre contre la Prusse… » Le 10, tout en l’informant du prochain départ de la Garde et lui disant que « la Prusse a perdu la tête et veut recevoir une leçon, » il dit : « Si je me brouillais avec la Prusse, ce que je ne crois pas, mais… si jamais elle en fait la folie… » Le 12 septembre encore, il écrit à Talleyrand : « Je ne crois pas que les Russes se rehasardent à envoyer 100 000 hommes en Allemagne, et l’idée que la Prusse puisse s’engager seule contre moi me paraît si ridicule qu’elle ne mérite pas d’être discutée… La Prusse agira constamment comme elle a fait. Elle armera et désarmera. Elle armera, restera en panne pendant qu’on se battra et s’arrangera avec le vainqueur. » Ce même jour, l’Empereur fit deux nouvelles ouvertures de paix à la Prusse dans ses instructions à son ambassadeur La Forest et, dans une lettre personnelle à Frédéric-Guillaume, pleine de franchise, de raison et de bon vouloir, où il disait « qu’il considérerait une guerre avec la Prusse comme une guerre civile, tant les intérêts de nos États sont liés. » Mais déjà les Prussiens étaient entrés à Saxe, acte que Napoléon avait précisé d’avance comme un casus belli.

Enfin l’Empereur voit clair. Décidément « la Prusse a perdu la tête. » Il multiplie ses ordres pour le rassemblement, l’organisation, le commandement, les mouvemens, les nouvelles levées, l’envoi de renforts, l’approvisionnement, le départ de la Garde en poste. Lui-même quitte Saint-Cloud le 25 septembre, passe quatre jours à Mayence, où il prépare sa base