Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/565

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le colonel des gendarmes du Roi, en voyant ses cavaliers affiler leurs sabres sur les marches de l’ambassade française, disait : « Il n’y a pas besoin de sabres, des gourdins suffiraient pour ces chiens de Français ! » « J’ai battu les Français dans plus de soixante affaires, disait Hohenlohe, non sans quelque exagération, et ma foi, je battrai Napoléon. »

La confiance traditionnelle et irraisonnée du Roi et de la cour dans l’armée prussienne ne fut pas la cause efficiente de la guerre. Mais elle rassura Frédéric-Guillaume, raidit sa volonté vacillante, l’affermit dans ses prétentions et dans sa résistance à toute concession.

En 1806 comme en 1805, Napoléon voulait sincèrement et ardemment la paix avec la Prusse, et, pour la maintenir, il était disposé aux plus importantes concessions. Mais connaissant sa force et la faiblesse de la Prusse, il se croyait trop sûr de la soumission de cette puissance. Il cédait sur les questions de forme, sur les points secondaires, sur les petites questions, mais il se montrait absolu sur ce qu’il regardait comme l’essentiel des intérêts français. Après avoir donné le Hanovre, il parlait de le reprendre sans le moindre scrupule. Il humilia la Prusse, la lassa, l’exaspéra ; et la Prusse irritée et ulcérée finit par recourir aux armes. Mais si Napoléon agit envers la Prusse avec trop de sans-façon, surtout dans l’été de 1806, s’il ne tint pas assez compte de la fierté légitime de cette puissance, ses négociations avec elle furent toujours franches et empreintes de sincères sympathies pour le Roi. Dans le cabinet de Berlin, au contraire, il y eut constamment mauvaise foi et duplicité. Dès janvier 1806, on y avait des arrière-pensées de guerre, des regrets des temporisations, des remords de subir l’alliance française. Or si la Prusse eut de graves motifs d’irritation dans l’été de 1806, dans l’hiver de cette année-là, elle n’avait encore aucun grief personnel contre la France. Napoléon commit une faute en traitant cavalièrement la Prusse, mais, à bien étudier les documens, on reconnaît que, par sa conduite louche et sa diplomatie déloyale, la Prusse méritait d’être traitée ainsi.

Dès le mois de juin 1806, le roi Frédéric-Guillaume se prépara à une campagne. Pour la première fois, il émit des bons du Trésor, ce qui fut regardé à Berlin comme un indice certain de la guerre. Le 1er juillet, il signa un traité d’alliance avec la Russie, aux termes duquel « les deux souverains s’occuperaient