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au fond de la crypte de la Garnisonkirche. Aux termes de ce traité, la Prusse devait, se posant en médiatrice, offrir à Napoléon une paix générale sous des conditions que les alliés eux-mêmes jugeaient inacceptables pour lui ; s’il refusait, 150 000 Prussiens viendraient immédiatement renforcer l’armée austro-russe. Mais pour agir contre Napoléon, il ne fallait pas perdre un jour. Or le vieux duc de Brunswick, commandant l’armée prussienne, déclarait qu’il serait impossible d’entrer en campagne avant un mois ; et le comte de Haugwitz, chargé de remettre à l’empereur des Français l’ultimatum déguisé, ne s’y montrait pas empressé. Resté partisan de la paix, il espérait plus de l’expectative que de l’action. Dupe du plus faux des calculs, il s’imaginait que les événemens agiraient pour lui. Après une bataille perdue par les Français, pensait-il, notre médiation n’en aura que plus de poids ; s’ils ont une victoire, nous nous prévaudrons de notre neutralité. On temporisa si bien que le comte de Haugwitz vit l’Empereur seulement le 28 novembre. Il lui parla, en termes modestes et vagues, d’un projet de médiation, à quoi Napoléon ne sembla pas faire mauvais accueil ; mais le diplomate prussien s’était bien gardé de préciser et même d’indiquer les conditions que son souverain prétendait poser. L’Empereur remit à quelques jours de là la suite de l’entretien. Dans l’intervalle, le canon avait parlé à Austerlitz. Quand Haugwitz revit Napoléon, le 14 décembre, à Schönbrunn, ses premiers mots furent pour le féliciter sur cette victoire. « Voilà, riposta aigrement l’Empereur, un compliment dont la fortune a changé l’adresse. » Mais l’Empereur vit la confusion de Haugwitz. Il en profita pour lui offrir soudainement un traité d’alliance, aux termes duquel la Prusse cédait Anspach à la Bavière, et à la France Clèves et Neuchâtel, mais recevait de la Bavière un territoire de 20 000 âmes et de la France le Hanovre. Haugwitz, qui pouvait s’attendre à pis, s’empressa d’accepter, signa le traité et rentra à Berlin pour le soumettre à la ratification du Roi. Frédéric-Guillaume hésita. Bien qu’il redoutât la guerre, il avait quelque scrupule à faire la paix, même sous des conditions avantageuses, au prix d’un manquement de foi. Le traité avec la Russie du 3 novembre, sa parole donnée au Tsar devant le tombeau du grand Frédéric lui défendaient, pensait-il, de conclure une alliance avec la France. La reine Louise, toujours très ardente pour la guerre, le parti de la cour