Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/555

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le choix des positions d’artillerie était restreint et malaisé ; on était obligé d’enlever la lisière et d’engager un combat sous-bois qui retardait la marche et pouvait causer des pertes graves. Donc, cette fois encore, la chance était pour nous.

Dans l’affaire du 25 mai, les canons eurent un rôle prépondérant. Leurs obus éclatant au-dessus des crêtes, fouillant le fond des vallons, arrêtèrent brusquement la tardive tentative des guerriers dont les chevaux tourbillonnaient affolés, tandis que les fantassins cherchaient précipitamment un refuge dans la forêt. En vain, quelques chefs, qu’à leurs habits kaki on devinait être les déserteurs des troupes impériales formées à notre école, essayaient de les pousser en avant dans les moissons très hautes qui pouvaient masquer leur approche. Le souffle, la fumée, le bruit des shrapnells, la pluie de mitraille, l’arrosage des mitrailleuses fièrement installées près des canons, terrifiaient les Marocains qui voyaient dans ce terrain, accidenté mais découvert, une zone de mort impossible à franchir. Sourds aux exhortations, dès qu’ils arrivaient au bas du chemin rocailleux reliant les villages de la montagne à la route de la vallée, ils se dérobaient et gagnaient les bois. On les voyait se défiler d’arbre en arbre, progresser avec rapidité dans la direction du convoi, pour se joindre aux guerriers descendus de Nzala-Beni-Amar dont les deux groupes de maisons, perchés à l’origine d’un profond ravin qui ouvrait une large entaille dans la montagne, devaient leur paraître hors de l’atteinte des représailles. Les compagnies de flanc-garde s’opposaient de leur mieux, par un feu violent, à cette infiltration qui pouvait avoir de fâcheux résultats. Mais, avec une louable obstination, indifférens au sort de leurs morts et de leurs blessés que l’on voyait s’égrener sur la lisière de la forêt, Gherardas et Béni Mtir avançaient toujours.

Sur la gauche, un parti assez nombreux profitait d’un profond couloir invisible de la route et de la crête élevée où se profilait une compagnie de tirailleurs algériens, trop éloignée pour apercevoir et déjouer cette manœuvre dont le succès aurait placé les Marocains dans une position dangereuse pour le convoi. Une compagnie de marsouins, envoyée à mi-distance pour établir la liaison, éventait ce nouveau projet de l’ennemi qu’elle repoussait après un bref engagement.

Cependant, sans être critique, la situation ne pouvait se