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faisaient des taches vertes et jaunes, la route longe les pentes septentrionales des contreforts du Djebel Zerhoun, pour entrer dans la vallée encaissée qui sépare ce massif du Djebel Gepsa. Et tandis que le versant exposé au midi montre ses ravins tourmentés, ses croupes capricieuses que les moissons déjà mûres couvrent de cette teinte jaunâtre dont les regards sont excédés, soudain, en face, un tournant de la route fait découvrir un pays tout nouveau. Pour la première fois depuis et Kounitra, des bouquets de bois, puis une sombre forêt d’oliviers reposent la vue obsédée par les blés, les orges et les fleurs. Sur les flancs du Djebel Zerhoun, depuis la ligue de faîte jusqu’au pied du massif, des villages s’étagent, dorés par le soleil, dominés par des minarets, entourés de jardins. Des torrens tombent en cascades qui laissent voir leurs rubans blancs à travers les feuillages épais. Mais ce n’est pas le moment de s’attarder dans la contemplation du paysage, et les âmes rêveuses sont vite rappelées à la réalité. Des estafettes courent, des spahis s’élancent ; un coup de canon fait rentrer sous-bois un essaim de cavaliers ennemis, sans doute placés là pour surveiller la colonne et signaler son approche aux guerriers qui se rassemblent au-delà d’un col dont le profil peu élevé ferme l’horizon.

La dislocation des troupes de protection et de manœuvre s’effectue aussitôt. Les flancs-gardes s’éloignent à gauche vers les crêtes qui dominent la route ; à droite, elles se rapprochent de la lisière des bois où elles ne doivent pas pénétrer. En avant, l’artillerie, les mitrailleuses garnissent le col, à temps pour troubler l’offensive des Marocains, favorisée par des ondulations de terrain perpendiculaires à la route et qui leur permettaient de s’approcher à couvert. On remarquait d’ailleurs, dans leurs mouvemens, nos procédés d’infiltration par hommes isolés et par petits groupes, dont ils devaient la connaissance aux anciens soldats des tabors et de la mehallah du Sultan, qui, partisans résolus des rebelles, avaient déserté avec armes et bagages pour apporter leur science militaire toute fraîche aux sujets révoltés de Moulay-Hafid.

S’ils avaient eu le réveil plus matinal, Béni Mtir et Cherardas auraient pu occuper avant nos troupes le col de Nzala-Beni-Amar. Le déploiement de l’avant-garde serait alors devenu difficile dans une étroite vallée bordée à droite par une forêt, d’où les tireurs ennemis auraient gêné la colonne et son convoi ;