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A Fedala, Bou Znika, les troupes ont bivouaqué autour des kasbahs qui jalonnent les routes impériales, et qui servent de gîtes aux sultans quand ils vont visiter leurs provinces éloignées, ou razzier leurs sujets rebelles. Déjà, la pénurie de bois pour la cuisson des alimens s’est fait sentir. L’Intendance, en négligeant de constituer des approvisionnemens suffisans sur la ligne d’étapes, comme en oubliant d’aménager les points d’eau sur une route quotidiennement parcourue par d’énormes convois et des troupes nombreuses, montre qu’elle sait toujours se montrer sans effort inférieure à sa tâche. Pendant toute la durée de la campagne, elle ne fera rien pour interrompre cette tradition : elle distribuera aux troupes, parfois à huit heures du soir, de la farine en remplacement de pain et de biscuit, sans l’accompagner du combustible indispensable. Aux stationnemens, elle aura des fournisseurs indigènes qui livreront du pain d’orge dont les propriétés laxatives conviennent mal à des organismes fatigués et placés dans des conditions hygiéniques déplorables. La viande, abattue et distribuée d’après le rite métropolitain, reste exposée pendant plusieurs heures au soleil, aux mouches et aux poussières charriées par le vent ; elle est en partie gâtée avant de pouvoir être consommée.

Jusqu’à Themara, pendant trois jours, la colonne Dalbiez avait marché dans la quiétude la plus complète. L’influence française, qui rayonne depuis Casablanca, avait épargné à la Chaouïa les fantaisies administratives et fiscales du Makhzen, et maintenait la région dans un correct loyalisme envers Moulay-Hafid. Mais là, sur les confins indécis de la contrée, l’esprit de révolte contre le Sultan, d’hostilité contre les « roumis, » venait de se manifester. Le capitaine d’une compagnie coloniale, qui collaborait à la construction de la ligne télégraphique Casablanca-Rabat, signalait l’attitude hostile des douars environ-nans. Au Nord de l’oued Bou-Regreg, les surprises de convois, les attaques de bivouacs témoignaient d’une audace croissante chez les tribus révoltées, dont nos troupes en marche vers Fez longeaient les territoires. D’accord avec le commandant en chef, afin d’impressionner les populations, le général Dalbiez résolut de donner quelque solennité au passage de Rabat, que ses troupes devaient traverser, avant de franchir l’oued Bou-Regreg, qui délimitait au Sud la zone des opérations.

Un ministre avait déclaré à la Chambre, quelques jours