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« liaison des armes, » la camaraderie militaire, se maintiendront désormais sans défaillance.

Entre le camp et Casablanca, où sont concentrés tous les services, les relations sont incessantes. Dès le point du jour, c’est un défilé de « corvées » qui vont chercher le matériel et les moyens de transport, dont l’arrivée à la base d’opérations ne concorde pas toujours avec celle des troupes qui doivent les utiliser. Les mulets sont étiques, les chameaux galeux ; les arrabas menacent de ne fournir qu’une courte carrière. Il faut encore alléger les troupes, réduire le contenu des sacs et les bagages d’officiers. Les effets d’hiver, les objets qui paraissent superflus, doivent être déposés dans des magasins de fortune, d’où ils ne sortiront probablement jamais. Les soldats n’auront comme vêtement chaud que leur vareuse de molleton ; leurs vêtemens kaki, une chemise, un caleçon, une paire de souliers de rechange, les vivres de réserve, leurs couvre-pieds, toile de tente, ustensiles et outils de campement, les cartouches, leur font d’ailleurs une charge assez lourde. Aux officiers, une petite tente pour trois ; plus de lit Pirot, de table pliante, de chaise Archinard, petit mobilier que chacun a toujours traîné avec lui, jusque dans les profondeurs du Centre Africain ou le grouillement dessilles chinoises ; plus de caisses de conserves pour les popotes, plus de flacons mûrement choisis. Chacun, depuis le grand chef. jusqu’au dernier troupier, dormira par terre, mâchera le biscuit et le bœuf de l’Administration, boira de l’eau claire ou le quart de vin d’Algérie chichement mesuré les soirs de grande fatigue. Et tandis que les fourriers, les officiers d’approvisionnement s’empressent et se débattent dans le maquis des allocations et de la comptabilité, que les théories de véhicules et de mulets de bât circulent entre Aïn Bourdja et les magasins du Camp no 3, que des cavaliers rapides apportent ordres et contre-ordres, de vagues marchands de pastilles du sérail débitent de la mercerie et des liquides inoffensifs sur les fronts de bandière ; des sirènes marocaines, décrépites et sales, invitent les amateurs de sensations à disparaître dans les champs d’orge ; et les désœuvrés, dont le portefeuille est encore bien garni, s’entassent dans les deux carrioles boiteuses, somptueusement dénommées voitures de place, pour aller en ville, à la recherche des nouvelles ou des plaisirs variés qu’offre la bourdonnante petite cité. Entre deux cahots, plusieurs évadés