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et faire sien un art qu’on lui apporte de l’étranger. L’architecture française va montrer ici toute son ingéniosité et toute sa grandeur dans des œuvres où l’on est tenté parfois de ne voir que des copies, mais qui sont au contraire des œuvres très personnelles, des œuvres s’adaptant aux conditions de notre sol et de notre climat et maintenant les traditions françaises.

Dans l’art que nous allons voir créer par les architectes français de cet âge, dont les plus grands furent Salomon de Brosses, François Mansart et Lemercier, une première œuvre s’impose à nous, la façade de l’église Saint-Gervais faite par de Brosses en 1616. Là nous trouvons tous les traits de l’art nouveau ; mais comme il s’agissait de terminer un édifice antérieur, de créer une façade pour une église gothique, on comprend aisément que l’artiste ait été obligé de faire une œuvre très originale, très différente de tout ce que l’on faisait alors en Italie. De Brosses adopte les ordres selon la nouveauté régnante ; tous les détails sont classiques, mais la conception générale et les lignes d’ensemble sont encore tout français et tout gothiques. En terminant avec les formes de la Renaissance un monument gothique, de Brosses sut merveilleusement, sur l’ossature ancienne, disposer un décor nouveau, créant ainsi une œuvre que les Italiens n’auraient jamais conçue, qu’ils n’auraient sans doute jamais aimée, mais qui, à mon sens, égale et même surpasse toutes les façades faites en Italie dans le style de la Contre-Réforme.

Cette façade est divisée en trois étages : les deux premiers, identiques, se composent de quatre groupes de deux colonnes accouplées, le troisième ne répète que le motif central. Cette monotonie donne à toute l’œuvre un aspect un peu sévère, mais qui est impressionnant par sa grandeur. L’absence de tout ornement semble bien convenir à ce style : tout décor affaiblirait la majesté que l’artiste a si bien su exprimer.

L’Église Saint-Paul-Saint-Louis, construite par les jésuites, de 1627 à 1641, appartient au même courant d’idées que l’œuvre de Salomon de Brosses à Saint-Gervais ; mais ici, au lieu de ne trouver qu’une façade, nous sommes en présence d’un monument tout entier.

L’église Saint-Paul, à la différence de la chapelle du Noviciat des Jésuites, n’est pas la copie littérale d’une œuvre italienne ; c’est une œuvre plus originale où l’on trouve un très