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entendre un prédicateur ou des chants religieux, et tout ce qu’on veut lui montrer, il le voit bien. De toutes parts son attention est attirée par la vue des vitraux : cette église est un livre, et, sur tous les panneaux des fenêtres, il le lira. Le système est parfait ; il a pour lui la beauté et l’utilité, il est pleinement satisfaisant.

Mais tout va changer par suite de l’invention de l’imprimerie. Du jour où l’on mit un livre entre les mains des fidèles, et où l’on s’aperçut que le livre était un moyen d’instruction bien autrement puissant que l’image, un moyen permettant de dire plus de choses et avec plus de précision, de ce jour-là l’église peinte cessa d’être une nécessité, et les grandes verrières, comme les grandes fresques en Italie, perdirent leurs souveraine importance.

Comme les fidèles ont désormais des livres entre les mains, et comme il est essentiel qu’ils puissent aisément les lire, on va chercher à mettre dans l’église plus de lumière, et le vitrail coloré qui était un obstacle à cette lumière va trouver là une nouvelle cause de défaveur. L’histoire nous le dit bien clairement : non seulement on ne place plus de vitraux nouveaux dans les églises, mais au XVIIe et au XVIIIe siècle les chanoines, dans la plupart des cathédrales de France, détruisent les anciens vitraux pour les remplacer par des verres blancs. Et ce fait si anti-artistique serait absolument incompréhensible si l’on ne connaissait pas les causes qui l’ont provoqué.

Et voilà pourquoi le style gothique a disparu. Voilà pourquoi il céda la place à un style nouveau, qui avait pour lui d’être moins luxueux, plus économique et mieux approprié à tous les besoins du culte.

Toutefois, le gothique ne mourut pas tout entier ; l’architecture française ne renonça pas à toutes ses traditions nationales, et le style de la Contre-Réforme ne s’établit et ne se développa en France qu’en subissant des modifications qui le distinguent très nettement du style italien et créent une variété à laquelle il convient de donner le nom de style français de la Contre-Réforme. Nous assistons là au même phénomène qui s’était passé au moyen âge lorsque l’Italie voulut imiter l’art gothique français, et ne le fit qu’en modifiant ce style de façon à créer une variété italienne.

Le caractère essentiel qui va subsister, en France, des traditions