Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le hasard nous gouverne, disions-nous il y a quinze jours, à propos de la chute du ministère Monis et de l’avènement du ministère Caillaux. Les faits qui se sont passés depuis lors, dans le domaine international, ne sont pas l’effet du hasard, mais bien de calculs formés depuis assez longtemps déjà et dont il n’était pas difficile de prévoir les suites, car les élémens en étaient connus, avoués, et presque étalés au grand jour. Cependant l’opinion publique a paru étonnée lorsqu’ils se sont produits : nous n’avons pas partagé ce sentiment. Avant que les Espagnols marchassent sur Larache et sur El-Ksar, nous avions écrit le 15 mai dernier : « L’Espagne supportera difficilement que nous allions au Maroc beaucoup plus loin qu’elle. » Et, lorsque nos prévisions se sont réalisées et que nos journaux ont témoigné de la manière la plus inutile quelque indignation de l’entreprise espagnole, nous avons écrit le 15 juin : « Puisse cette première surprise n’être pas pour eux suivie de quelques autres ! » Il nous était impossible de nous expliquer davantage. Lorsqu’on a raison trop tôt et un peu contre tout le monde, on a l’air de provoquer les événemens qu’on annonce et de donner des armes à ceux qui les préparent ; on ne peut en parler qu’avec beaucoup de réserves et de réticences, et c’est ime situation difficile et pénible d’être condamné à n’exprimer qu’une partie de sa pensée. Bientôt nos soldats ont été engagés et alors il a fallu se taire tout à fait. La conduite des opérations militaires a d’ailleurs été parfaite et nous en avons éprouvé de sérieuses satisfactions. Mais, en pareille matière, la politique a le dernier mot et elle ne l’a pas encore dit. Ce dernier mot est aujourd’hui pour nous l’énigme du sphinx : nous ne nous chargeons pas de le deviner. Lui seul importe pourtant ; rien n’est plus vain que