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REVUES ÉTRANGÈRES

L’AVENTURE AMOUREUSE DU POÈTE NOVALIS


Novalis-Reliquien, par M. E. Heilborn, dans la Deutsche Rundschau. Berlin, 1911.


Les habitans de la petite cité de Tennstedt en Thuringe, où les distractions ne devaient pas être beaucoup plus nombreuses en 1796 qu’elles le sont aujourd’hui, avaient du moins le plaisir, maint dimanche d’été de cette année-là, d’assister à un spectacle éminemment curieux. Un groupe singulier de quatre personnes traversait lentement la principale rue de la ville, au sortir de l’église, se dirigeant vers un aimable et frais jardin de campagne au milieu duquel s’élevait un kiosque en style rococo. Les quatre personnes allaient deux par deux ; et c’étaient d’abord deux nabots se tenant tendrement par le bras, un mari et sa femme, chacun d’eux pourvu d’une bosse, mais avec cette particularité quasi providentielle que la bosse du mari se trouvait juchée sur son épaule droite, tandis que celle de la femme surgissait au-dessus de son épaule gauche. Puis, derrière cette paire de nains, en venait une autre de géans : deux longues et maigres figures, voûtées par une croissance excessive ou par la maladie, — un jeune garçon et une jeune fille d’à peine plus de vingt ans, mais déjà manifestement appelés à devenir bientôt victimes de la « consomption, » avec leur poitrine rentrée, leurs quintes de toux, et la flamme fiévreuse de leurs grands yeux trop ouverts.

Ainsi ils allaient, deux par deux, à travers Tennstedt : volontiers silencieux et recueillis, comme si chacun tâchait à conserver en soi l’essence